L'entrée en Carême
Au lendemain du Mardi Gras vient le Mercredi des Cendres qui est pour les Chrétiens le temps d'entrée en Carême, une période de quarante jours, - Carême, qui est une invitation à la Pénitence et à la conversion des coeurs. Ces 40 jours évoquent la période de retraite de Jésus au désert avant de commencer, à 30 ans, ses trois ans de vie publique. Ce temps fait mémoire des 40 ans de traversée des Hébreux après leur sortie d'esclavage en Egypte, avant de rentrer en Palestine. Le Carême s'achève au commencement de la Semaine Sainte avec le Dimanche des Rameaux qui célèbre l'entrée solennelle du Christ à Jérusalem. Ce sont d'ailleurs des brins de buis bénis lors de cette célébration l'année précédente qui constituent les cendres posées sur le front des fidèles à l'entrée en Carême.
Dans une société où l'individu ressent un énorme besoin de reconnaissance, où l'Etre passe par le Paraître, le 1er message de Carême surprend : l'être humain n'est que "poussière et cendre", il est voué à l'éphémère et destiné à la mort. Ce rappel de la précarité humaine pulvérise tout orgueil et consume toute prétention à s'accomplir soi-même. Ce deuil de la toute puissance se révèle comme un passage possible vers plus d'humanité en chacun. La poussière peut devenir glaise, la cendre peut devenir braise. Celui qui a été modelé avec de la poussière prise du sol, selon la Genèse, doit continuer à se prêter à l'action de Dieu : "Vous êtes dans ma main", dit le Seigneur, "comme l'argile dans la main du potier" (Jérémie, 18, 6).
Le Carême est donc un recalage hiérarchique de l'être auquel est soumis l'avoir. Le Père Cosmao, fondateur de "Développement et Foi", a écrit : "Le changement le plus urgent est celui d'un meilleur état de notre être." Le Père Arrupe, général des Jésuites dans les années 80, a écrit : "De même que, pour créer la société de consommation, on a commencé par produire et former le consommateur, de même, pour créer une société juste qui permette d'envisager la poursuite du Monde, il faut commencer par créer l'homme de service qui se sente frère des autres et solidaire de tous".
N'oublions pas, enfin, en ce départ pour ce chemin de 40 jours, l'aide que peut nous apporter l'Eucharistie. Le pain partagé nous convertit en hommes et femmes de partage. Participer au Mystère Pascal, n'est-ce pas lutter contre ce qui, en nous et autour de nous; s'oppose à l'amour de Dieu ?
Il n'y a donc pas à s'effrayer de la poussière et de la cendre qui nous collent à la peau. La discipline des quarante jours de Carême consiste simplement à s'offrir au geste du potier et à la brûlure de l'Esprit. A Pâques, un être nouveau façonné par la Parole de Dieu et purifié par le Pardon de Dieu, en sortira.