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Les billets du Père Lucien Marguet
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8 février 2008

L'entrée en Carême

Au lendemain du Mardi Gras vient le Mercredi des Cendres qui est pour les Chrétiens le temps d'entrée en Carême, une période de quarante jours, - Carême, qui est une invitation à la Pénitence et à la conversion des coeurs. Ces 40 jours évoquent la période de retraite de Jésus au désert avant de commencer, à 30 ans, ses trois ans de vie publique. Ce temps fait mémoire des 40 ans de traversée des Hébreux après leur sortie d'esclavage en Egypte, avant de rentrer en Palestine. Le Carême s'achève au commencement de la Semaine Sainte avec le Dimanche des Rameaux qui célèbre l'entrée solennelle du Christ à Jérusalem. Ce sont d'ailleurs des brins de buis bénis lors de cette célébration l'année précédente qui constituent les cendres posées sur le front des fidèles à l'entrée en Carême.

Dans une société où l'individu ressent un énorme besoin de reconnaissance, où l'Etre passe par le Paraître, le 1er message de Carême surprend : l'être humain n'est que "poussière et cendre", il est voué à l'éphémère et destiné à la mort. Ce rappel de la précarité humaine pulvérise tout orgueil et consume toute prétention à s'accomplir soi-même. Ce deuil de la toute puissance se révèle comme un passage possible vers plus d'humanité en chacun. La poussière peut devenir glaise, la cendre peut devenir braise. Celui qui a été modelé avec de la poussière prise du sol, selon la Genèse, doit continuer à se prêter à l'action de Dieu : "Vous êtes dans ma main", dit le Seigneur, "comme l'argile dans la main du potier" (Jérémie, 18, 6).

Celui qui a reçu en ses narines l'haleine de vie doit sans cesse renaître du souffle de l'Esprit. Au jour de la Pentecôte, la communauté des disciples de Jésus devient Eglise par le surgissement du feu qui transforme des croyants peureux en témoins audacieux. Le Carême ne correspond ni à une performance personnelle, ni à une pénitence grise exhibant son côté doloriste. Ce temps est le choix d'une aventure spirituelle pour devenir et être plus. Isaïe 58, 4-10, écrit : "Ne savez-vous pas quel est le jeûne qui me plait ? ... Rompre les chaînes injustes, délier les liens du joug (...), partager ton pain avec l'affamé, héberger les pauvres sans abri, vêtir celui que tu vois nu et ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair". Et dans Tobie (4, 5-8 et 12, 6-9); il est dit : "Prends sur tes biens pour faire l'aumône. Ne détourne jamais ton visage d'un pauvre (...). Mesure ton aumône à ton abondance : si tu as beaucoup, donne davantage ; si tu as peu, donne moins (...). Mieux vaut la prière avec le jeûne et l'aumône, avec la justice, que la richesse avec l'iniquité". Et, dans le sermon sur la Montagne, Jésus conseille : "gardez-vous d'afficher votre justice devant les hommes (...). Quand tu fais l'aumône, ne vas pas le claironner". Et St Augustin écrit : "Il n'y a pas d'autres moyens pour accéder à la justice que ces trois-là : le jeûne, l'aumône et la prière, le jeûne signifiant n'importe quelle mortification du corps, l'aumône signifiant toute espèce de bienveillance et de bienfaisance, soit que nous donnions, soit que nous pardonnions".

Ce n'est pas notre mine défaite et notre tension crispée qui produit le geste d'amour, mais l'accueil d'un don de Dieu qui suppose une écoute. Le chrétien jeûne par amour. Pour se désapproprier de soi et servir Dieu et les autres. Pour n'être esclave de rien, ni de ce que l'on possède, ni de ce que l'on sait, ni de la télévision, ni du manger et du boire, ni même des relations que l'on a. Un économiste Béninois, Albert Tevoédjie, a écrit : "la civilisation au vrai sens du terme, ne consiste pas à multiplier les biens, mais à les limiter volontairement, c'est le seul moyen pour connaître le bonheur et nous rendre plus disponible aux autres. Vouloir créer un nombre illimité de besoins pour avoir ensuite à les satisfaire n'est que poursuite du vent."

Le Carême est donc un recalage hiérarchique de l'être auquel est soumis l'avoir. Le Père Cosmao, fondateur de "Développement et Foi", a écrit : "Le changement le plus urgent est celui d'un meilleur état de notre être." Le Père Arrupe, général des Jésuites dans les années 80, a écrit : "De même que, pour créer la société de consommation, on a commencé par produire et former le consommateur, de même, pour créer une société juste qui permette d'envisager la poursuite du Monde, il faut commencer par créer l'homme de service qui se sente frère des autres et solidaire de tous".

N'oublions pas, enfin, en ce départ pour ce chemin de 40 jours, l'aide que peut nous apporter l'Eucharistie. Le pain partagé nous convertit en hommes et femmes de partage. Participer au Mystère Pascal, n'est-ce pas lutter contre ce qui, en nous et autour de nous; s'oppose à l'amour de Dieu ?

Il n'y a donc pas à s'effrayer de la poussière et de la cendre qui nous collent à la peau. La discipline des quarante jours de Carême consiste simplement à s'offrir au geste du potier et à la brûlure de l'Esprit. A Pâques, un être nouveau façonné par la Parole de Dieu et purifié par le Pardon de Dieu, en sortira.

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