Après la mort, la vie
Notre civilisation avait phagocyté la mort. Les
cimetières qui entouraient nos églises sont parfois passés en lointaines
banlieues, hors les murs de la ville, par exemple à sa sortie. Loin des yeux.
Autrefois, le mort était exposé dans la maison de la vie familiale. Les gens du
village ou du quartier défilaient pour rendre un dernier adieu à son visage.
Aujourd'hui, il attend ses obsèques et la mise en terre ou la réduction en
cendres dans l'asepsie d'un salon mortuaire.
Or, aujourd'hui, la mort revient comme une réalité
qu'il faut bien affronter. Car la mort est la plus grande certitude de notre
vie : chacun disparaîtra. D'autres habiteront notre logis. Assumeront nos
tâches. Accompliront les actes que nous aurons laissés. Les traces de notre
présence s'estomperont. Tout cela semble pouvoir donner raison à Sartre qui
disait que "l'existence est absurde
et que rien n'aurait dû exister".
En fait les hommes de tous les temps ont cru à leur
immortalité. Les philosophes grecs parlaient d'aura spirituelle. La Bible
perçoit plus profondément l'amour comme ce qui demeure par delà la mort. Car
quiconque aime vraiment en ce monde, non du simple désir qui s'assouvit et
oublie tout pour ne penser qu'au désir suivant, mais de l'amour don de soi,
sait que l'amour ne meurt pas. St Jean l'écrit explicitement.
Ceux qui s'étourdissent ou se disciplinent sagement
pour oublier "la catastrophe finale" qui nous attend tous n'ignorent
pas l'angoisse qui habite tout homme. Une voie souhaitable est celle des saints
qui partagent la vie de Dieu : l'amour véritable qui est don au-delà du désir.
La mort devient pour eux une nouvelle naissance "à Dieu" et au
bonheur dont la vie ici-bas est gestation, pour former en nous l'amour qui ne
meurt pas. Bergson voyait dans cette expérience la meilleure preuve de
l'existence de Dieu.
Chaque fois que nous célébrons la messe,
l'Eucharistie, nous faisons mémoire de la mort du Christ, mais aussi de son
passage à la vie par la Résurrection. "Si nous mourrons avec le Christ,
avec lui nous vivrons". Voilà l'Espérance qui nous habite en ce jour de
souvenir de tous nos morts. Ils sont vivants. Avec eux, prions Dieu d'Amour et
de Vie.