Notre temps a besoin de prophètes
Parfois les croyants font confidence de leurs
doutes, de leurs difficultés à croire. Certains avouent qu'ils taisent leur foi
lors de discussions familiales parce qu'ils se sentent en panne d'arguments
pour apporter les preuves de ce qu'ils avancent. Ils ont peur de passer pour
des arriérés dans un monde qui considère la religion comme un phénomène du
passé. Ils ont la conviction que Dieu existe, que la vie ne se termine pas avec
la mort, mais ils avouent n'avoir jamais pris le temps de lire et de s'informer
pour se doter d'un contenu intellectuel qui fonde leur croyance. Ils étaient
pris par les impératifs de l'existence quotidienne. Ils ont tout fait pour
assurer une instruction et une éducation religieuses à leurs enfants en les
envoyant au catéchisme et parfois dans une école catholique. Mais cette volonté
de "transmettre" la foi n'a pas toujours réussi. De nombreuses
influences sont venues s'interposer à contre-courant des traditions
religieuses, la culture ambiante matérialiste et consumériste s'est montrée
plus déterminante pour des choix et comportements conjugaux, familiaux et
sociaux.
Croire en Dieu et en tirer les conséquences pour
conduire sa vie n'est plus une priorité. Ces jeunes ne sont pas militants de
l'incroyance. Ils se rangent plutôt parmi les indifférents. Si l'intelligence
et la raison ne sont pas toujours au rendez-vous de la Foi des croyants, ces
deux facultés ne sont plus guère convoquées pour justifier l'athéisme et
l'indifférence des personnes affichant leur incroyance. La crédulité comme son
contraire, l'incrédulité, appellent les uns et les autres à fonder leurs raisons
de croire ou ne pas croire. Il est aussi des croyants qui, sentant que la foi
devient le choix d'un petit nombre dans un monde qui n'encourage plus à croire
et même s'efforce de gommer en eux les repères religieux, développent en eux le
complexe des minorités. Il est vrai que être l'un des deux jeunes sur 30 élèves
d'une classe qui acceptent de dire qu'ils croient en Dieu, un chrétien
pratiquant qui sort de la messe et ose le dire dans le groupe qu'il rejoint,
une personne qui ose rompre l'unanimité d'une assemblée pour aller à
contre-courant d'une pensée "unique" lui paraissant erronée et
risquée… exige non seulement du courage, mais aussi de l'assurance et surtout
une passion pour la vérité.
Car il existe parfois dans la société une telle
pression, un tel conditionnement culturel qu'il est difficile aux minoritaires
de s'exprimer et d'être entendus. La démocratie elle-même tend à nous imposer
l'idée, fausse, que le plus grand nombre est un critère décisif de vérité. En
réalité les sondages donnent raison aux chiffres plus qu'aux personnes qui
sortent en tête. La Bible affirme souvent qu'un pauvre, un petit, un perdant,
passent premiers aux yeux et dans le cœur de Dieu. On retrouve là le paradoxe
apparent dont parle Jésus dans les Béatitudes et lorsqu'il déclare : "Les premiers seront derniers et les
derniers premiers, dans le Royaume du Père"…
Les chrétiens d'aujourd'hui n'ont comme chemin
possible que celui du prophétisme, emprunté par la grande tradition des
prophètes. A eux d'invoquer l'Esprit Saint qui parlera en eux et par eux.