Pâques,
l'Ascension, la Pentecôte, trois fêtes pour parler de la Présence de Dieu en
nos vies. Pour signifier que l'Eglise a reçu la responsabilité de témoigner.
L'envoyé de Dieu est venu : il s'est incarné. Il a assumé l'humain en totalité,
et, maintenant, il retourne vers le Père pour être à sa droite (c'est-à-dire à
égalité et en pleine union) avec son humanité. Tous les hommes, tous les
peuples, ont vocation d'aller dans la maison de Dieu à la suite du Christ qui en
est le chemin.
Jésus
sort de la perception sensible de ses disciples. Il s'efface avec son corps
pour laisser place au Corps de l'Eglise qui devient sa Présence dans
l'histoire. Désormais, ces deux "présences" vont être reliées par un
signe mystérieux : l'Eucharistie.
De
son vivant, combien de fois Jésus a-t-il dû s'enfuir parce que des foules trop
empressées voulaient le faire roi ou que des disciples manifestaient l'envie de
s'asseoir à la droite ou à la gauche de sa seigneurie. Même après sa résurrection,
alors que déjà il commence à échapper à l'épaisseur et à la pesanteur de la
chair, Madeleine s'efforce de le retenir (Jean 20 13).
A
l'Ascension encore, il ne faut pas moins de "deux hommes en vêtement
blanc" pour renvoyer les Apôtres de leur extase vers Jérusalem. "Pourquoi
restez-vous là à regarder le ciel ?" (Actes 1 10-11).
Retenir, détenir par les yeux, par la raison. En quelque sorte posséder. Non !
Jésus n'est pas à prendre. Il est souverainement libre. Il doit être cherché et
désiré.
L'Ascension
est le moment de la rupture et de la séparation voulues par Jésus pour passer
d'un lien extérieur qui le relie encore à ses disciples à un lien intérieur qui
responsabilise. Il ne sera plus à côté d'eux. Alors où devront-ils le chercher
? La Pentecôte apportera la réponse : il sera au-dedans d'eux. L'Esprit, en
intériorisant la présence et le Message dans le groupe des disciples, le fait
devenir corps du Christ vivant, appelé à se déployer dans toutes les cultures
et sur tous les continents jusqu'à la fin des temps. "De toutes les
nations, faites des disciples." "Baptisez-les au nom du Père, du Fils
et du Saint Esprit."
L'Esprit
leur permettra de discerner les voies et les moyens de l'annonce et de la venue
du Règne de Dieu. Même les livres légués par les Apôtres sont déjà une manière
d'inscrire la présence de Jésus et son enseignement dans l'actualité de leurs
préoccupations. A l'Eglise d'aujourd'hui, il revient de prendre la suite.
Ainsi
donc, l'Eucharistie est un des lieux majeurs où se réalise, par la puissance de
l'Esprit Saint, la rencontre, la conjonction du Passé et du Présent. Celui qui
est parti est demeuré là, parmi nous. Nous y reproduisons les paroles et les
gestes de Jésus au cours du dernier repas pris avec ses Apôtres à la veille de
sa mort. Nous ne reproduisons pas le passé, nous le faisons présent. Non par la
magie du verbe, mais parce que nous sommes aujourd'hui le Corps de ce Christ et
que nous rendons actuel, par notre corps livré et notre sang versé, le mystère
pascal qui ouvre la porte de la rencontre avec Dieu et de la Communion avec les
autres. C'est l'Eglise, c'est nous qui disons aujourd'hui : "Ceci est
mon Corps livré, ceci est mon Sang versé".
L'Esprit
Saint reçu au baptême nous permet de devenir ces membres du corps du Christ
qu'est l'Eglise. Et, comme une terre devient fertile si elle sait absorber
l'eau et accueillir la semence, ainsi la Bonne Nouvelle de Jésus pourra-t-elle
pousser en nos vies à la mesure de notre ouverture à l'Esprit. "Allez
dans le Monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création…"
(Marc 16 15)
L'évangélisation
n'est pas une entreprise de conquête spirituelle ou religieuse, mais la
contagion d'un amour vécu dans l'Esprit de Jésus. La vie religieuse
contemplative est une de ces voies évangéliques qui disent radicalement le
message chrétien qui invite à en vivre, vraiment !
A
la Transfiguration sur le mont Thabor, les trois disciples imaginent de
s'installer dans ce bonheur qui les rend proches. Jésus leur demande de
redescendre et de reprendre la route des humains. A l'Ascension, il les quitte
et leur demande de poursuivre sa Présence dans l'Histoire, à sa façon et sur
ses traces, dans l'attente de son retour : "Il vous est bon que je m'en
aille."
Oui,
le temps passe ! Notre vie est transitoire. Que de fois il faut accepter de
partir, de diminuer, de nous en aller, de passer. Ne sommes-nous pas d'abord
des itinérants, des migrants ? N'est-ce pas ainsi que l'on progresse et que
d'autres peuvent grandir en liberté et en responsabilité, advenir en leur
dignité ? Jésus s'est comme effacé pour laisser place à l'homme libre et
responsable, tout en demeurant pour lui "chemin, vérité et vie"…
Comme
l'écrivait Jean Sullivan : "Le temps est passé où le Christ était hors de
nous, parmi nous. Par l'Esprit, il est au milieu de nous. Il ne peut être parmi
nous que s'il est en nous. Il n'est plus possible dans ces temps nouveaux de
rester au dehors. Toute chose doit devenir transparente pour ne point se
pétrifier comme une idole".