A mes frères prêtres
Je
vous écris pendant mes congés d'été savourés depuis près de vingt ans sur la
côte Atlantique. Une paroisse me loge et je rends quelques services pastoraux
auprès de paroissiens estivants. En écoutant les "travailleurs de la
mer" raconter leur vie risquée, je m'aperçois que celle de l'Eglise et des
prêtres ressemble à la leur. Depuis vingt siècles, la barque Eglise roule et
tangue, risque de chavirer. L'équipage s'affole un peu devant les récifs et les
bourrasques, les coups de tabac qui le menacent… Pourtant l'Eglise poursuit sa
route dans les flots parfois intrépides et imprévisibles de l'histoire. Les
croyants embarqués, parmi lesquels les prêtres que vous êtes, demeurent debout
et mobilisés sur le pont, malgré les vagues déferlantes et dévoreuses.
A
travers les bouleversements et les évolutions multiformes de l'aventure
humaine, comment vous, prêtres, ne seriez-vous pas heureux de la vie que vous
avez choisie ? De combien d'existences humaines, d'événements heureux et
malheureux, n'avez-vous pas été conviés à être témoins et confidents ? Et ces
bébés qu'à la demande de couples radieux d'avoir donné la vie vous avez eu la
joie de baptiser ! Et ces enfants que vous avez éveillés et initiés à la
connaissance de Jésus ! Et ces couples avec qui vous avez fait route en vue de
leur mariage d'amour ! Et ces pardons accordés dans le secret des confessions
qui ouvrent à un avenir renouvelé… Et ces accueils faits d'écoute, de
compréhension, de compassion à ces gens de tout âge blessés de tant de façons
par une vie tourmentée et violentée par des vents dévastateurs. Et devant la
mort, attendue ou brutale, qui fait toujours aussi mal aux vivants, que
d'occasions de partager les souffrances et d'éponger les rancœurs avec l'amour miséricordieux dont Dieu est
votre ravitailleur attitré…
Quelle
joie profonde de pouvoir tout offrir et présenter lors de toutes ces
eucharisties que vous avez célébrées souvent devant un peuple et parfois en
comité restreint ou même seuls.
Toutes
ces joies d'être prêtre n'ignorent nullement, à l'image des déserts traversés
par Jésus, les difficultés rencontrées et les croix parfois lourdes à porter !
Peut-être avez-vous été critiqués, vous êtes-vous sentis incompris, à certains
moments retrouvés isolés et parfois même méprisés ? N'avez-vous jamais été
tentés de plier bagage et de renoncer à poursuivre ce ministère à certains
jours si exigeant ? Vous en aviez assez d'être burinés par les coups durs que
le flot de la vie vous apportait quotidiennement. Vous rêviez d'une mer calme
sous un soleil radieux. Vous avez même peut-être été tentés de rentrer au port
et d'y rester pour une vie moins risquée et sans vagues, sans dangers, sans
tentations…
En
réalité vous avez "continué", emporté dans votre élan par le vent de
l'Esprit et l'attente du Peuple avec qui les années vous avaient liés d'amour
réciproque !...