"J'étais malade et vous m'avez visité"…
Lorsque survient une grave maladie chez un être cher,
les proches et les amis ne savent pas toujours quel comportement adopter.
Certains vont être tentés d'espacer leurs visites, voire de les interrompre.
D'autres vont visiter le malade et lui parler jusqu'à le fatiguer. Croyant bien
faire, ils vont le plaindre avec l'intention de lui montrer leur affection.
D'autres, pour montrer au malade qu'il n'est pas seul dans la souffrance, vont
lui raconter leurs propres difficultés ou évoquer le malheur qui atteint tel ou
tel de leurs amis. Or cette attitude ne fait qu'ajouter de la douleur à la
douleur. Certains autres encore, croyant bien dire, vont minimiser la maladie,
pensant ainsi entamer la peur qui habite le malade. D'autres, au contraire,
avec la volonté de parler en vérité, vont emprunter le vocabulaire des
catastrophes, alors qu'ils ne font que parler de choses qu'ils ignorent la
plupart du temps.
Aussi la question de la bonne posture à adopter pour
entourer un grand malade se pose-t-elle souvent. On peut d'ores et déjà
souhaiter que les visiteurs continuent à entretenir leurs liens habituels avec
la personne qui est tombée malade. Car ce qui lui arrive ne la définit pas
entièrement. Elle demeure une personne avec sa dignité et sa personnalité, son
passé et tous les événements vécus dans sa vie, ses relations, ses richesses
humaines. Il s'agit pour le visiteur de se montrer discret, accueillant à ce
que le malade lui confie. On doit entrer dans la chambre comme dans un jardin
intime. On pourra dans la conversation partir des paroles de celui qui est
alité et utiliser ses mots pour parler à son tour. Comme Jésus a rejoint les
deux disciples d'Emmaüs à l'endroit même où ils en étaient de leur marche vers
Emmaüs. Sans être à la traine ni sans les précéder, Jésus est demeuré avec eux
jusqu'à l'auberge.
Alors ! Faut-il mentir, dire ce que l'on a appris,
minimiser la maladie, les souffrances, croyant ainsi les atténuer ? Je ne le
pense pas. N'est-il pas préférable, d'ailleurs, d'éviter de parler de la
maladie avec la personne visitée ? Par contre, ce qui est sans doute
souhaitable, c'est de se montrer disponible si, par vous qui le visitez, le
malade veut ouvrir une fenêtre et respirer l'air dans lequel il se trouvait avant
de tomber malade. Il est sans doute aussi souhaitable de montrer de la
compassion et de l'affection mais sans excès, car cela pourrait apparaître
comme de la condescendance et même de la pitié. Ce qui ne ferait que fragiliser
et peut-être humilier la personne alitée et dépendante. Par exemple, ôtez votre
manteau en arrivant, une façon d'annoncer que vous venez pour elle… Ne restez
pas debout auprès d'elle qui est au lit, vous la domineriez ! Asseyez-vous à sa
hauteur… Physiquement et moralement, cela conviendra pour que l'échange soit
vrai. Chacun sait que ce n'est pas la quantité de paroles prononcées qui fait
la qualité ni l'intensité d'une rencontre ! Une présence en silence au chevet
d'un malade est bénéfique, comme est préférable une douce vaporisation à
l'arrosage massif et brutal d'une terre assoiffée.
Ainsi donc, comme un jardin qui voit arriver l'automne
ne peut faire oublier tout ce qu'il a fourni de fruits nourrissants et de
fleurs à contempler, une personne malade ne peut-elle se définir seulement par
le mal dont elle est atteinte. Elle conserve sa singulière identité et tout ce
qui constitue les richesses humaines de son existence. Enfin, redisons que
c'est aux proches et aux amis de se conformer aux heures propices pour le
malade et non l'inverse. Donner du temps aux autres, ce ne doit jamais être
donner les miettes de temps qui nous restent, comme un surplus ! C'est caler le
nôtre en fonction de celui de la personne malade pour la rejoindre dans sa
souffrance et son besoin d'être écoutée…