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Les billets du Père Lucien Marguet
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6 mai 2011

Le prix de la perfection ?

Le drame familial dans lequel un père a assassiné son épouse et leurs quatre enfants interroge notre conscience à tous. Comment un père dont l'humanité semblait solide et équilibrée peut-il être auteur d'un tel crime ? On ajoute souvent qu'en plus il était croyant et pratiquant avec toute sa famille. Cette image sans rides apparentes du père idéal a implosé dans cet acte inouï, dont tous les détails avaient été programmés avec minutie.

 

D'abord parce qu'il s'agit d'une famille dont je me sens proche par les codes et les références qui inspiraient leur vie, mais aussi parce que ma responsabilité de prêtre m'amène à accompagner et soutenir des couples, des enfants, dans le cadre de mon ministère, je me sens interpellé par ce tragique événement. N'a-t-on pas trop invité à faire de notre existence une perfection qui ne supporte aucune faiblesse, aucune tache, aucun raté ? Un christianisme du tout ou rien, l'image du père idéal, sans fautes, sans écarts, sans limites, sans fausse note, modèle absolu. N'a-t-on pas contribué à cette idée que cette mission de parents est quasi messianique et divine ? Dans une telle façon d'envisager le rôle, il n'y a aucune place pour l'erreur, la faute.

 

Or ma conviction est que nul n'atteint jamais, vraiment, cette perfection absolue. Et être chrétien c'est consentir aux difficultés de l'être et croire que le Christ comble nos lacunes, nos lâchetés, nos péchés. C'est accepter d'être "graciés" et d'apparaître, y compris pour des parents aux yeux de leurs enfants et au regard des "autres", comme des êtres "sauvés" et toujours aimés par Dieu.

 

Or il semble que ce père de famille avait depuis longtemps des choses graves à se reprocher, dont il a voulu "à tout prix" protéger sa femme et ses enfants. Il voyait arriver le moment où tout allait être découvert, où son masque de duperie, de mensonge, d'hypocrisie, devrait tomber. Qu'allaient alors penser ses enfants d'un père qu'ils avaient cru idéal ? Ils allaient en souffrir terriblement… Aussi avait-il un comportement psychorigide qui lui servait d'armure, lui qui avait une conscience qui ne cessait de l'accuser intérieurement ! Ne voulant pas condamner les siens à cette immense déception d'assister à l'écroulement total du piédestal sur lequel il avait entièrement bâti sa vie, il a choisi de tuer les êtres qu'il aimait. Cet échec massif, social, familial, professionnel et ecclésial, il a ressenti comme un désir impérieux, peut-être même comme un devoir, dans sa folle logique, de l'effacer en allant jusqu'à tenter d'en faire disparaître les traces… Il a voulu à la fois faire disparaître le passé et donner l'illusion que tous allaient re-naître ailleurs… très loin !

 

C'est là toute la différence entre l'attitude de Pierre, qui a renié Jésus trois fois et qui se laisse pardonner par lui par cette phrase "Pierre, m'aimes-tu ?", et l'attitude de Judas qui, après avoir livré Jésus, pense que sa faute est si lourde qu'elle est impardonnable, et va se suicider…

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