Indispensable transmission...

  Il existe plusieurs verbes pour décrire l'une des missions cruciales de toute société qui tient à ne pas périr. Pour assurer sa succession de génération en génération, une société doit transmettre ce qu'elle sait, ce qu'elle fait et ce qu'elle est. Il s'agit d'abord, pour ceux qui savent, d'instruire ceux qui ne connaissent pas. Cette transmission des savoirs objectifs se fait par oral et par écrit, par images. Il s'agit d'informer et de former. L'instruction est d'ailleurs l'une des institutions majeures de l'Etat républicain. Tout citoyen a droit à être instruit, en particulier par "l'école pour tous".

 Il est un autre verbe qui inclut et même déborde l'acte d'instruire, c'est celui d'initier. Le maître instruit pratiquement tout en montrant ce qu'il fait. Il invite ensuite l'élève à reproduire lui-même ce qu'il a vu et entendu. L'initiation sollicite à la fois l'intelligence abstractive et l'intelligence pratique. Voir, savoir, comprendre et reproduire sont les séquences successives de l'initiation. Il est des âges où l'enfant se développe beaucoup par initiation. Apprendre à parler, marcher, faire des gestes de politesse et de vie sociale relèvent d'une initiation en vue d'une progressive autonomie. On peut évoquer tous les apprentissages à tout âge de la vie.

 Initier débouche sur la nécessité d'éduquer, c'est-à-dire de donner des raisons et des façons d'utiliser les savoirs transmis. En effet le fait d'acquérir beaucoup de connaissances donne un bagage intellectuel qui satisfait la Raison. Mais la conscience, de son côté, réclame d'apprendre à discerner ce qui est plus ou moins essentiel pour vivre et se conduire. L'éducation morale qui transmet un savoir-vivre a certes des aspects objectifs, mais aussi d'autres qui relèvent plus de convictions et d'expériences personnelles, variables. Sous ce prétexte, on entend parfois des parents affirmer qu'ils tiennent à donner une bonne instruction à leurs enfants, mais qu'ils sont parfois en peine quant à leur éducation tant celle-ci leur parait aléatoire. Ces adultes ajoutent parfois qu'ils laissent leurs enfants découvrir par eux-mêmes leur voie et apprendre à vivre d'après leurs propres expériences.

Il est des générations qui ont cultivé leur questionnement jusqu'à douter d'elles-mêmes, jusqu'à conclure qu'il ne faut surtout pas transmettre de normes, de valeurs, de repères indicateurs. "Ils choisiront et décideront eux-mêmes"… Si parfois des générations ont trop imposé des schémas éducatifs "clés en mains" qui ont pu étouffer certains dons d'imagination, de création et de liberté, d'autres générations qui ont opté pour la culture en jachère ont-elles toujours assez tenu compte des besoins qu'ont les plus jeunes d'entendre, de comprendre, de tirer profit des choix et des expériences des aînés ?

 En résumé, il me semble que l'essentiel est de se donner,  à tout prix, la capacité de créer un climat de communication et de relation de confiance entre les générations. Entre s'abstenir de "dire" pour laisser libre et dicter sans expliquer, un dialogue entretenu dans un réel échange peut offrir de faire le choix. Dans la vie de l'Eglise, il est un lieu et un moment très significatifs qui donnent à la fois une instruction, une éducation et une initiation, c'est la messe. En effet le déroulement d'une messe voit proclamer et expliquer la Parole de Dieu ; chaque assistant est invité à prier avec tous et à devenir ainsi participant : par les gestes, les attitudes, les paroles, les chants, un itinéraire et un sens à la vie sont proposés. Les vitraux, la statuaire, la liturgie elle-même contribuent à "diffuser" le message chrétien.

 S'il existe une différence entre l'instruction religieuse, l'éducation, l'initiation et la proposition de la foi, l'Eucharistie conjugue toutes ces composantes, offrant ainsi un moment idéal pour la transmission.