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Les billets du Père Lucien Marguet
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23 octobre 2011

La solitude

 Parmi les maladies de notre société moderne, la solitude, et pas seulement des personnes âgées, est sans doute la plus sournoise et pas la moins répandue ! De multiples causes peuvent générer les situations de solitude extrême qu'on rencontre le plus souvent. Les personnes qui n'ont pas trouvé l'occasion ou pas voulu se marier voient leurs amis s'éloigner avec le temps et les enfants auxquels ils consacrent tout leur temps. La solitude qui au début peut leur sembler une liberté devient à ces célibataires une compilation d'habitudes rituelles et une existence sans horizon, avec parfois de moins en moins de relations.

 La solitude, c'est aussi celle des hommes et des femmes que le divorce a séparés, parfois dans des circonstances blessantes. Notre société est marquée par le nombre impressionnant de familles monoparentales. Il est aussi une solitude des personnes âgées que leurs enfants ne viennent plus guère visiter du fait de leur éloignement géographique pour raison professionnelle ou de leur mésentente affective après de graves reproches réciproques. Il n'est pas rare d'entendre des vieillards confier leur douleur intérieure et afficher un visage triste devant l'attitude de leurs enfants, qu'ils osent parfois qualifier "d'abandon".

 Mais la solitude peut sévir dans l'itinéraire d'une vie à tout moment. Il y a l'enfant un peu différent que les autres n'admettent pas dans leurs conversations ou leurs jeux. Il y a l'adolescent nouvellement arrivé dans l'école que les groupes constitués et les rumeurs à son sujet empêchent de s'intégrer. Il y a parfois des obstacles d'ordre financier, de milieu social, de race ou de milieu culturel qui freinent l'adoption sincère et plénière. Vu le nombre restreint d'enfants et de jeunes qui fréquentent l'église dans le caté ou un groupe d'aumônerie, il n'est pas rare maintenant d'entendre des confidences sur les moqueries et petites persécutions dont certains font parfois les frais douloureux.

 Par contre, il est vrai que la solitude en soi peut offrir la chance d'être à l'abri de conditions et de relations perturbantes. Pouvoir se retirer seul, en silence, réfléchir, est cette fois une richesse puisque la solitude n'est cette fois plus un manque, mais un choix. Pourvu toutefois qu'elle puisse, cette solitude, s'articuler habituellement avec de bonnes relations à autrui. On dira donc qu'il existe une solitude constructive et féconde, et une autre destructrice et mortifère… J'ai célébré un jour les obsèques d'une personne qui n'avait plus aucun membre de sa famille. Ils avaient vécu au cœur d'un village dans une fratrie de quatre personnes. Chacune d'elles avaient un rôle spécifique dans la fabrication des objets en osier qui étaient vendus pour subsister et dans la tenue de la maison et du jardin. Heureusement ces quatre célibataires avaient d'excellents voisins attentifs qui ont accepté de veiller sur cette famille en voie d'extinction. Ainsi la dernière à mourir a-t-elle, elle aussi bénéficié comme les trois autres de la présence et des soins des voisins. Voilà bien en effet l'antidote de la solitude : l'attention et la présence discrètes des "autres".

 Je sais qu'il existe beaucoup de raisons à ne pas se mêler et s'insérer dans la vie de gens plongés dans la solitude. On entend dire : "Elle a fait le vide autour d'elle par son mauvais caractère". "Si je vais le voir, les gens vont penser que j'y recherche un intérêt." "J'ai déjà ma propre famille à m'occuper, mes petits-enfants à garder, je n'ai guère le temps de faire des visites". Ainsi donc, choisir d'entamer la chape qui recouvre la vie des gens seuls, solitaires, isolés, relève d'un acte de volonté et d'un engagement dans la durée. C'est un choix humaniste. Il est aussi évangélique.

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