La vie rurale évolue…

La vie rurale connaît des évolutions que chacun peut constater. Les modes de vie, le paysage social, les mentalités elles-mêmes changent par rapport au passé. Sans vouloir prononcer un jugement moral sur l'un ou l'autre aspect de cette "ruralité nouvelle", il est sans doute intéressant d'évaluer quelques interrogations qui en découlent ! Je prendrai pour cela plusieurs exemples qui peuvent apparaître contradictoires, mais qui en réalité se complètent.

 Le premier exemple, je le puise dans une tendance à l'individualisme et à l'autosuffisance. Autrefois, il existait dans les villages une vie sociale plus communautaire à l'ombre de la mairie, de l'école et du clocher. Aujourd'hui, les relations sont davantage sélectionnées et à la carte. Plusieurs cérémonies d'obsèques demandées "dans l'intimité" affichent une préférence pour une certaine privatisation religieuse de la prière pour les morts, qui prive ainsi l'entourage social de la possibilité de se joindre à la famille pour les adieux célébrés dans l'église.

 Un deuxième exemple exprime le libéralisme comme un fait entré dans la pratique habituelle, dans lequel on ne voit aucune raison de réflexion morale, de justice sociale. Lors de la cessation d'activité pour cause d'entrée en retraite, des terres sont revendues à prix surévalué, en se basant sur l'argument que, si l'acheteur a l'argent, le vendeur est en droit de fixer le prix qu'il veut, bien au-delà des prix publiés du marché. Il est curieux que l'on se soumette si facilement et sans s'interroger à la loi du "plus fortuné". Et on semble ne se préoccuper que très peu des jeunes qui, pour s'installer ou s'étendre un peu, n'ont pas le capital pour emporter l'achat. Je pense aussi à la façon dont sont de plus en plus vendues les récoltes de blé, chacun pour soi, en regardant sur internet les cours de la bourse, ce qui doit sans doute affaiblir d'autant les liens aux coopératives.

 Certes l'argent, l'individualisme, ne doivent pas occulter tous les gestes de solidarité et d'entraide existant dans les communes. Ici, les voisins prennent en charge les travaux des champs d'un agriculteur arrêté pour raison de santé. Là, une Cuma est l'occasion d'acheter en commun du matériel qu'aucun membre n'aurait pu se procurer séparément, et aussi de cultiver une mentalité où l'on doit compter avec les besoins des autres, puisque c'est selon un tour de rôle que l'on fait usage de ces machines agricoles. La liste pourrait être longue de cas d'entraide mutuelle, de solidarité, qui inversent ce qui demeure pourtant une tendance grandissante à l'individualisme, au chacun pour soi et à la primauté dominante de l'argent.

 Qu'en est-il de la vie conjugale, familiale, de l'éducation, de la transmission des valeurs, au regard de cette orientation prégnante ? Cela mérite une sérieuse et profonde réflexion.