A propos de "la morale à l'école"

 Le projet d'enseignement de la morale laïque à l'école est sans doute une belle et bonne idée du Ministre de l'Education Nationale. En effet, il ne suffit sans doute pas aux enfants et aux jeunes d'être instruits de connaissances objectives, d'exercer leur Raison, d'assurer leur développement physique et de cultiver leurs potentialités artistiques, il leur faut aussi acquérir, pour s'y référer, des règles de bonne conduite personnelle et de vie commune harmonieuse. L'école n'est pas qu'un lieu de transmission du savoir notionnel, elle l'est aussi du "savoir vivre ensemble".

 La République affiche ses références fondamentales au fronton de ses édifices publics : "Liberté, Egalité, Fraternité". Ces grands idéaux balisent l'itinéraire qui se propose à tous. Cette devise doit toutefois être déclinée dans le concret de l'existence quotidienne. Il me semble que le respect d'autrui vient en priorité de toute attitude. En effet, comment me sentir libre si je suis harcelé ou méprisé ? Respecter, c'est donner le droit à l'autre,  différent et même adversaire, d'exister et de faire part de ses convictions. C'est ainsi le reconnaître comme mon égal, doté des mêmes droits et des mêmes devoirs.

 La morale à l'école devrait aussi viser à encourager l'appel à la conscience auquel chacun est convié dans sa vie pratique pour discerner, évaluer et donner préférence au mieux en refusant ce qui est violent et destructeur. Apprendre à être libre tout en étant responsable, acquérir le goût des initiatives positives, relève aussi de la vie familiale, et aussi du vivre ensemble à l'école. Bien sûr, pour accomplir cette démarche, chacun a besoin d'un logiciel de valeurs qui doit lui être fourni. Celui de la République laïque, neutre et ouverte à toutes les convictions pourvu qu'elles aient comme base la régulation démocratique et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Ce projet de morale à l'école doit donc permettre à chaque jeune citoyen de se forger une conscience personnelle qui lui donne de diriger sa vie par lui-même, tout en étant conscient des conditionnements de son environnement et informé des lois qui l'obligent comme citoyen.

 Si les principes de morale laïque transmis oralement sont très importants parce qu'ils déposent des repères dans la conscience, tout le monde s'accordera à penser que le témoignage des adultes est observé de près par la jeunesse. Une morale à l'école, la moralisation de la vie politique ne peuvent non plus ignorer combien il faut veiller à ce que les fondamentaux d'une société laïque et républicaine qui se veut humaniste et universelle ne soient jamais bafoués, voire ignorés, sous aucun prétexte.

 Certes si la République peut exiger que l'on respecte les autres, elle ne peut obliger à les aimer comme des frères. C'est pourquoi la fraternité est sans doute un idéal républicain plus difficile à honorer et à vérifier, puisqu'il relève plus d'un sentiment intime et de la façon et des raisons que chacun a de considérer le voisin comme un simple concitoyen ou, bien plus, comme un frère en Humanité.

 La morale naturelle, humaniste, et les valeurs qu'elle génère - la tempérance, la confiance, la patience, la bienveillance, le courage, l'honnêteté, la curiosité, la volonté, la persévérance et en premier lieu le respect et la générosité, la solidarité et la fraternité - peuvent être une large base sur laquelle reposent et s'édifient le lien social et le vivre ensemble de la communauté française, républicaine et démocratique, chaque citoyen restant libre de se référer à des sources premières, par exemple évangéliques, pour alimenter ses choix et sa conduite morale.