En conscience

"Vous nous renvoyez souvent à notre conscience personnelle et à notre intime conviction, et pourtant il est de nombreuses circonstances dans la vie où il est très difficile de bien choisir"… Il est bien sûr exact que la plupart de nos choix et de nos décisions procèdent par élimination et rarement d'après une clairvoyance qui s'impose. Une jeune fille amoureuse se dit : vais-je faire de ce garçon mon mari pour la vie ? Dans le domaine de l'éducation, des parents se demandent souvent s'il leur faut tout le temps accorder des permissions à leurs enfants ou s'ils doivent parfois leur interdire telle fréquentation ou telle option. Une bonne éducation exige-t-elle des obligations ou une liberté totale ?

 Avoir été initié à discerner, analyser une situation, juger et décider, apparaît comme une richesse éducative très importante dans une société qui vise, sournoisement, à nous conditionner, à peser sur nos choix, nous influencer de tant de façons plus ou moins subtiles et en tant de domaines. Nos modes de vie, nos comportements, nos idées et nos convictions ressemblent à des copiés-collés de ce que fournit sans restriction le moteur de recherche Google de notre ordinateur ou en remorque la pensée de notre journal télévisé habituel.

 En réalité, nous sommes quotidiennement bombardés d'informations qui se succèdent les unes aux autres pour s'effacer au fur et à mesure. Notre conscience ressemble parfois à ces gares de péage encombrées de nos autoroutes au moment des grandes affluences. Or on n'a jamais autant prétendu à être libre, alors que, à y regarder de plus près, on l'a rarement été si peu réellement. M. Hessel n'avait-il pas raison de nous inviter à résister, à la pensée unique, aux idées répétitives et admises sans aucune critique, aux diktats qui imposent de subir sans réagir ?

 Car exercer sa conscience n'est pas seulement une capacité que chacun reçoit avec la vie, c'est aussi un droit que de la faire valoir, et c'est même un devoir que d'exercer sa "liberté de conscience". La conscience est pour ainsi dire le poste de pilotage dont chacun est appelé à prendre les commandes pour conduire sa propre existence et en devenir responsable. Certes toute conscience, pour ne pas en rester au stade d'instinctive, doit être instruite et initiée à l'image d'un ordinateur à qui l'on fournit un logiciel pour le rendre opérationnel. Les codes de la citoyenneté, la déclaration des Droits de l'Homme et ceux de l'enfant, la "morale" à l'école et nombre d'occasions fournies par le quotidien offrent au citoyen de se doter de repères pour faire fonctionner utilement sa conscience.

 A ces normes "sociales" et "démocratiques" s'ajoutent pour les chrétiens celles de l'Evangile apportées et mises en pratique par Jésus lui-même en sa propre vie. Elles viennent souvent alimenter et renforcer les attitudes humanistes au cœur desquelles elles s'inscrivent. Ainsi, pour le citoyen qui est aussi chrétien, les raisons de ses choix en conscience, ses décisions, ses engagements, n'obéissent pas seulement aux lois humaines mais se déploient en référence au Christ lui-même, en sa conscience, ses paroles, ses actes, ses attitudes et ses initiatives. Ainsi peut-on reconnaître comme une chance celle que reçoit le chrétien en étant, par la foi, directement branché à la source en amont de toute loi humaine.

 "En conscience", Jésus n'a pas été que gentil et bon. Il a en même temps été "vrai". Nous sommes ainsi invités à l'imiter !