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Les billets du Père Lucien Marguet
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2 avril 2014

Le génocide rwandais il y a vingt ans…


Etant ami du couple Gauthier depuis leur arrivée à Reims, j'ai vécu en avril 1994 à leurs côtés le drame du génocide du Rwanda où est née et a grandi Dafroza au milieu d'une famille de l'ethnie tutsi. Alain a été professeur de littérature dans des écoles catholiques et même directeur de l'une d'entre elles, tandis que Dafroza a exercé le métier d'ingénieur chimiste dans un laboratoire rémois. Ils ont donné la vie à trois enfants que j'ai vu grandir. Régulièrement, pendant la période des congés, le couple allait visiter la famille au pays des mille collines. Une région fertile et verdoyante dont la densité de population est une des plus élevées du continent africain.

 Deux ethnies principales composent le peuple rwandais : les Hutus et les Tutsis, proches par la langue, le kinyarwanda. Depuis toujours, ils partagent les mêmes coutumes, les mêmes croyances en un Dieu unique, Jamana. Ils se marient parfois entre eux. Depuis toujours, ils vivent dans les mêmes quartiers, sur les mêmes collines. Il n'y a pas de répartition de territoires qui soient hutu ou tutsi au Rwanda. Ce ne sont pas les hutus qui ont tué les tutsis. C'est un clan au pouvoir, hutu, qui a ordonné d'exterminer les Tutsis. En trois mois, près d'un million de Rwandais de tout âge furent massacrés. Dafroza a perdu plus d'une cinquantaine de proches, parmi lesquels sa maman.

 Dans l'imagerie populaire, le hutu cultivait la terre et le tutsi gardait les troupeaux. En 1994, au moment du génocide, cette répartition des tâches relève du folklore, mais c'est en partie sur cette mythologie que se sont appuyés les idéologues du génocide pour expliquer que le tutsi, "arrogant et dominateur", avait toujours méprisé le paysan. Le meurtre d'Abel éleveur par Caïn cultivateur se rejouait dans ce monstrueux génocide rwandais. Alain et Dafroza ont assisté depuis Reims à cet horrible massacre, impuissants et désemparés. Leurs nombreux amis par des liens de proximité les ont soutenus, y compris par des défilés et des prises de parole publiques, pour dénoncer ce génocide auquel le monde et en particulier la France assistait sans trop oser ou pouvoir s'en mêler.

 Alain et Dafroza ont rapidement accueilli chez eux deux jeunes rescapés qui viendront rejoindre leurs trois enfants. Le couple Gauthier va peu à peu s'apercevoir que nombre de génocidaires risquent de n'être jamais jugés et que ce crime contre l'Humanité pourrait ne jamais être qualifié comme tel et condamné à la face du Monde. Aussi décident-ils en 2001 de créer le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR). Ils font alors des va-et-vient entre la France et le Rwanda pour interroger les derniers témoins du drame. En France ils demandent à la justice de se saisir de ces dossiers, d'autant qu'ils savent que certains acteurs y ont trouvé refuge pour se faire "oublier".

 Toutes les fois où il m'est arrivé d'entendre Alain et Dafroza parler de cette blessure béante, ils ont témoigné de leur désir ardent et impérieux de faire œuvre de justice. Il est impossible d'envisager le pardon sans que soit d'abord reconnu comme crime contre l'Humanité le choix d'anéantir une catégorie d'humains sous le prétexte de leur origine commune. A la table de l'archevêque de Reims, j'avais déjà entendu le Cardinal Lustiger tenir des propos semblables sur la Shoah.

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