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Les billets du Père Lucien Marguet
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12 septembre 2014

Le sacrifice…

Il n'est guère dans l'air du temps d'employer ce mot "sacrifice" car il lui est attaché le soupçon de mortification et de renoncement volontaire à se réaliser soi-même et de trouver ainsi le bonheur. "Se sacrifier" serait donc contraire à l'humanisme positif tel que "le voit" notre époque ! Or je voudrais en quelques lignes de ce billet montrer que rayer ce mot sacrifice de notre vocabulaire et plus encore de notre vie est une erreur.

Curieusement en effet, on n'a jamais autant honoré les combattants des deux guerres qui ont accepté de sacrifier leur vie pour la liberté et l'intégrité de leur Patrie devant les monuments aux morts, dans les cimetières, les champs de bataille, parfois dans les lieux de prière. Ce qui tend à approuver leur don. Et on a, dans le même temps, la plus grande hésitation à inscrire le sacrifice de soi dans l'éducation de la jeunesse, dans la vie conjugale et familiale, dans le service des autres, le bénévolat par exemple. Or faire des sacrifices est à l'image des sportifs qui s'entraînent dans les stades pour gagner au moment des compétitions. Celui qui n'a pas pensé et agi que pour lui, mais aussi pour les autres en leur donnant de lui-même, de ses capacités, ses qualités, non seulement n'entame pas sa liberté mais l'augmente, n'amoindrit pas sa personnalité mais la développe, ne se prive pas de joie mais en reçoit en conséquence de ses choix…

Qui accepte la possibilité d'avoir à se sacrifier accumule ses chances d'être reconnu et estimé par autrui. Qui ne bâtit sa vie qu'autour de sa personne risque de se retrouver isolé et peut-être même rejeté par les autres. Ne pas craindre de se sacrifier, - ce qui passe par le choix, la décision, l'engagement, qui exige de contenir et maîtriser ses besoins instinctifs et d'orienter ses propres désirs, de réfléchir ses aspirations -, n'est jamais se détruire ni se renier, c'est tout au contraire se donner les moyens et l'occasion de s'épanouir en toutes les richesses de ses potentialités.

Se sacrifier, on l'aura compris, c'est tout le contraire de subir, c'est accepter et même choisir de se donner des priorités dans l'existence. C'est mettre du relief, de l'épaisseur, de la largeur, de la profondeur et de la longueur, de l'horizon au déroulement de la durée de préférence à l'immédiat. A force de donner le primat au "moi" individuel et subjectif, le lien au "nous", aux autres, est fragilisé. En parcourant l'histoire de l'humanité, on constate que seuls les gens prêts à donner leur vie l'ont marquée et ont compté. Car ils avaient un idéal et l'ont déployé dans le don d'eux-mêmes. Ils ont réalisé ce qu'ils croyaient. Leurs paroles, leur pensée et leurs actes ont coïncidé. Aussi est-ce compréhensible que leur soit rendu un hommage car de leur courage, de leur temps, de leurs actions, nous recevons aujourd'hui notre vie.

Non seulement il faut réhabiliter la notion de sacrifice comme une démarche importante et valorisante de l'existence, mais il faut aussi affirmer et démontrer qu'elle est épanouissante et constitutive de la civilisation humaniste. "Ma vie, nul ne la prend, mais c'est moi qui la donne", disait Jésus. Il s'est présenté volontaire pour se sacrifier afin que tous vivent libérés du mal. Se sacrifier implique la pleine liberté, le choix et l'engagement personnels. Il en va ainsi des héros et des saints pour qui donner leur vie aux autres fait partie de leur itinéraire sur terre. Ce mot "sacrifice" un peu banni à notre époque devrait être réhabilité comme un beau projet, un idéal attractif et épanouissant. Il n'est pas qu'un mot à prononcer devant les monuments aux morts !

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