De la vie par la mort vers la vie

A sa naissance au monde, chacun reçoit avec la vie un patrimoine génétique, des potentialités qu'il devra transformer en capacités, un caractère avec ses qualités, une personnalité qu'il devra confirmer et développer. Oui ! Chacun reçoit une vie qui ressemble à un jardin à cultiver, labourer, sarcler, ensemencer, enrichir… Toute vie est comme un jardin qui traverse les saisons, celle du printemps et ses éclosions, celle de l'été avec ses récoltes, l'automne avec ses dépouillements et ses jours monotones, l'hiver avec ses obscurités et ses manteaux gelés…

 Dans le déroulement de l'existence humaine, toute personne progresse à travers des paysages qu'elle ne choisit pas, mais qu'elle doit nécessairement traverser. Chacun a son origine et ses racines. Il est appelé à apprendre, chercher, comprendre. Il est tenu de  discerner, s'impliquer, s'engager, exercer ses dons, dire et agir. Chacun reçoit de sa famille et de ses proches des valeurs qu'il pourra inscrire au programme de ses jours en y ajoutant une valeur personnelle. Les apprentissages de l'existence l'enrichissent et le pousseront à transmettre à son tour.

 Non, tout n'est pas répétitif ni identique. Chacun est singulier et même unique. Non, tout n'est pas héréditaire ni déterminé par avance, il n'est pas de fatalité. Chacun doit écrire sa vie avec ce qu'il reçoit, mais aussi avec ce qu'il produit par lui-même et donne aux autres. Ainsi par ses liens chacun est redevable aux autres. S'il acquiert une légitime autonomie, il ne doit jamais s'isoler jusqu'à cultiver l'individualisme. Toute personne est appelée à s'exprimer selon la liberté de sa conscience et ses intimes convictions, tout en étant lucide sur les influences qui tentent de l'orienter jusqu'à essayer de se substituer à elle. Avec la liberté, la responsabilité, avec les résistances, la persévérance, avec des projets de ténacité, avec le désir, la modestie…

 Vivre consiste à être et à faire face au présent tout en s'efforçant de tenir compte du passé et d'ouvrir à l'avenir. Acquérir, posséder, avoir comme un horizon à viser, c'est risquer de tout perdre quand la vie se dérobe. Etre, s'améliorer et devenir en capacités et qualités, viser à enrichir sa personnalité d'humanité, c'est se qualifier pour la vie éternelle car on ne peut emporter avec soi à la mort que ce que l'on n'a pas gardé mais au contraire généreusement offert la vie durant. La mort survient toujours trop tôt, car on aurait eu tant de choses à se dire encore et tant à faire ensemble. Chacun le sait, la mort est l'ultime événement important et mieux vaut y être préparé et ne pas être pris de court.

 Pour les croyants, si l'existence a un sens, la mort qui en fait partie en a un elle aussi. Quant à la durée d'une vie, certes elle se compte en années, mais peut-être encore davantage en intensité : de bonheurs et de malheurs partagés, de don de soi, de créativité et d'initiatives, d'engagements et de responsabilités assumés. Si au soir de sa vie l'on peut dire que l'on a fait de son mieux pour cultiver le jardin de sa vie, et même si l'on a des reproches à se faire sur les médiocrités et les ratés, que l'on ait au moins la certitude que tout ce bien n'est pas anéanti par la mort, mais trans-formé et trans-porté , re-suscité en Dieu d'Eternité.