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Les billets du Père Lucien Marguet
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23 février 2015

Des jeunes se "donnent la mort"…

Le signalement ici et là de jeunes qui se sont "donné la mort", selon une curieuse expression, ne laisse pas d'étonner par leur nombre et les façons si diverses d'accomplir ce geste fatal et si cruel pour ceux qui sont mis devant le fait accompli. Dans tous les cas, on soupçonne chez ces jeunes une mésestime immédiate de soi au terme d'un processus qui a dégradé l'intérêt heureux de vivre. Des échecs dans la vie scolaire, professionnelle, affective, peuvent exacerber la conscience de n'avoir pas les moyens de s'en sortir par soi-même durablement. L'avenir apparaît alors comme un abîme infranchissable alors qu'il est objectivement une chance aux multiples possibilités de réalisation.

Y a-t-il des signes qui peuvent clignoter et avertir que ce jeune fréquente les bords de ce précipice qu'est le suicide ? Pas toujours perceptibles, ils le sont cependant parfois. Les proches peuvent remarquer en lui une dévaluation de soi, des manques de confiance, une fuite en avant par une propension à la prise d'alcool, de drogue, une dégradation des rapports à autrui et l'isolement, un enfermement jusqu'au mutisme, un décrochement du monde réel en faveur d'un univers virtuel. Le suicide n'a pas une seule cause ni une seule explication, mais il s'agit souvent d'un faisceau de circonstances qui se croisent et s'ajoutent.

Mais le suicide des jeunes génère toujours la culpabilité chez les proches qui se reprochent de n'avoir pas vu l'imminence d'un tel acte et de ne pas avoir pu l'empêcher d'une façon ou d'une autre. Il existe de fait des suicides ratés qui n'ont pour but que d'adresser des appels à l'aide. Ceux-là peuvent se reproduire s'ils n'ont pas été suivis de secours efficaces. Ils peuvent aussi dégénérer en destruction pour ne plus gêner les autres que l'on aime par des aveux de faiblesse répétés.

Comment ne pas évoquer aussi certains travers de la société actuelle et de sa culture pessimiste et idéaliste qu'elle nous fait inhaler à tous à longueur de journée ? A force d'entendre rabâcher les codes du bonheur et de la réussite - être jeune, beau, riche et toujours premier en tout -, certains jeunes peuvent se sentir à jamais disqualifiés dans cette course. A force de satisfaire à leurs exigences d'immédiateté et d'être soustraits à toutes les difficultés et aspérités de la vie, l'arrivée de l'âge adulte, celui de l'autonomie et des responsabilités, peut effrayer certains et leur faire lâcher prise, jusqu'à se laisser aller à des dérives ou des expériences dangereuses.

La sincérité et la pureté naturelle, on peut dire l'innocence, du cœur chez les adolescents et les jeunes peuvent être mises à mal lorsque ceux-ci découvrent le monde tel qu'il est avec ses brutalités, ses perversités, ses mensonges et ses turpitudes. Lorsqu'ils comprennent que ce monde sera le lieu de leur évolution durant toute leur vie, la méfiance et le doute peuvent se transformer en dégoût et en rejet. Ne pouvant changer le monde tant il leur parait inhospitalier, ils s'en extraient violemment par la destruction d'eux-mêmes.

S'il faut aux adultes montrer aux jeunes l'idéal à viser, il leur faut dans le même temps les aider à consentir au réel, toujours marqué d'imperfection et d'inachèvement. La belle mission de tout être n'est-elle pas d'ailleurs de changer ce monde pour le rendre meilleur parce qu'il est souvent médiocre et toujours perfectible !

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