Discerner

Dans les "propositions" conclusives du Synode sur la famille, toutes approuvées au moins aux deux tiers des votes, un mot qui revient très souvent est celui de "discerner". Ce verbe est à la fois essentiel et exigeant, car il sollicite les capacités de chaque personne et appelle à réfléchir, analyser et tirer des conclusions qui fassent prendre une direction et adopter un comportement. Ce verbe, le pape François l'utilise plusieurs fois dans son exhortation apostolique La joie de l'amour.

Je sais qu'aujourd'hui les sondages d'opinion règnent en maîtres pour penser selon les majorités numériques qui se dégagent. Je sais que l'on aime les vérités binaires : ou c'est oui, ou c'est non, blanc ou noir, jour ou nuit. C'est une des grandes difficultés rencontrées dans la pastorale, en particulier dans l'accueil des couples pour leur mariage, de parents pour le baptême de leur enfant. Ils prennent les questions que nous posons pour les aider à réfléchir et discerner pour des hésitations et pire encore pour un refus ! Regarder et exprimer la genèse de leur démarche dans ses enracinements et ses conséquences, ses engagements, n'est pas familier pour tous. Ils s'offusquent parfois en croyant que nous considérons leur demande comme n'étant ni sincère ni fondée, alors que le pasteur, lui, se sent investi de la mission de l'éclairer et de permettre de rendre plus ferme et lucide le chemin à parcourir avec le Christ, en Eglise.

Dans une société qui favorise l'instinct pour penser, consommer, dans une culture qui pousse au "mimétisme", tous pareils, pour s'habiller, se comporter, il n'est guère de signaux d'encouragement à l'analyse, à la critique objective, au discernement en conscience. La tentation est alors double : d'un côté s'en tenir aux règlements, aux normes, au permis et au défendu ; il suffit alors de cocher et de vérifier le résultat numérique sans approfondir le contenu. De l'autre côté, ignorer ces repères que sont les lois et laisser libre cours à l'appréciation subjective de chacun. Trop de lois tue l'esprit de la loi, mais plus du tout de loi aussi… Apprendre à discerner exige pédagogie et patience dans l'accompagnement des enfants et des jeunes.

La voie médiane est donc de fournir des instructions qui permettent à chacun, dans sa situation et face à un choix, d'analyser et de discerner l'option la meilleure, et parfois de se contenter de la moins mauvaise. Entre le meilleur et le pire il faut savoir choisir l'entredeux, en conscience. Certains vont "hurler" au relativisme ou à la démagogie en ayant l'impression que l'on abandonne les idéaux de perfection et d'obéissance aux lois de l'Eglise. C'est vite oublier une attitude constante de Jésus dans les évangiles qui nous le montrent appeler à le suivre, mais en laissant à l'appelé la liberté de donner sa réponse personnelle. Jésus dit souvent : "Viens et suis-moi". A toi de discerner ce que tu veux faire. L'homme riche et épris de droiture qui a accompli dans sa vie la loi de Moïse ne se sentira pas capable de tout quitter de ses attachements pour "suivre" Jésus. Jésus a respecté, sans le condamner, son discernement et sa décision.Par contre on verra Jésus souvent aux prises avec les scribes et les pharisiens, parce qu'ils sont accros et finalement soumis sans réflexion aux lois qu'ils appliquent sans discernement. Ils sont tellement dedans qu'elles les rendent "aveugles", incapables de les interpréter et de les actualiser face à telle ou telle situation d'urgence et sans hiérarchiser leur valeur.

Dieu a doté chaque être d'une conscience. Bien sûr il revient à chacun de la doter d'un "programme" ; pour le chrétien, le logiciel c'est l'Evangile, et Jésus au centre, qui permettent de "discerner".