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Les billets du Père Lucien Marguet
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19 novembre 2016

Ai-je raison ?

Après chaque changement de mission, je me suis fait une obligation de faciliter l'arrivée et l'installation de mon successeur dans sa nouvelle fonction. Il est vrai que cette rupture volontaire n'est pas toujours bien comprise par des gens devenus des proches à travers les événements vécus à leurs côtés, les confidences reçues de leur part, la confiance des liens approfondis d'année en année. J'avoue que dans mon itinéraire de prêtre tenir à cette attitude m'a été difficile et souvent douloureux. Mais je l'ai respectée, car elle avait pour raison spirituelle le fait que le prêtre qui me succède prendrait entièrement la suite d'un ouvrage inachevé dont je n'étais pas le propriétaire et dont le seul vrai architecte était le Christ.

Si j'avais essayé de garder des responsabilités dans mes paroisses ou fonctions d'avant, j'aurais eu l'impression de couper l'herbe sous les pieds de mes successeurs et surtout de manquer de confiance en leur capacité d'assumer l'ensemble des missions auxquelles ils avaient consenti en acceptant leur nomination reçue de l'Autorité diocésaine.

Cette posture de "rupture" avec les proches d'hier m'est souvent douloureuse. Ne pas être présent à la célébration de confirmation de dix jeunes que j'ai accueillis au caté lorsqu'ils avaient 8 ans et que j'ai vu grandir et élargir leurs savoirs et leur regard toutes ces années durant. Choisir surtout de prier personnellement en s'interdisant de manifester sensiblement sa compassion quand survient la mort d'êtres connus et estimés, en faisant pleinement confiance au nouveau curé et son équipe de laïcs pour se faire proche des familles éprouvées et témoigner de l'Espérance chrétienne. Quitter ces équipes de couples que j'avais tant de joie à retrouver pour réfléchir, s'éclairer, chercher ensemble des chemins de bien pour le couple et la famille…

Oui, c'est assez difficile de quitter un chantier de construction en pleine journée et de laisser la place à un prêtre plus jeune, mais c'est pourtant, il me semble, une obligation et quasi une mystique. Je ne voudrais pas être de ces serviteurs qui, se croyant indispensables et irremplaçables, prétendent être à tous et partout à la fois. Adopter cette attitude d'omniprésence ne révèle-t-elle pas une sorte de défiance des confrères et aussi une prétention à se prendre pour Dieu qui seul en effet peut tout pour tous ?

En Eglise, chacun(e) n'est qu'un seul membre et ne peut prétendre à être le corps tout entier. Le soutien et l'accompagnement que je me suis efforcé d'apporter dans les paroisses de Reims, dans les 7 ans au Nord-Cameroun, dans les 10 ans au vicariat général, dans les 8 ans à Charleville et les 8 ans dans le Vouzinois, je les remplace par une prière régulière et la messe quotidienne en particulier. Je parle à Dieu de toutes ces personnes qui ont compté beaucoup dans ma vie de prêtre, les familles dans lesquelles j'ai baptisé, célébré la communion, marié, célébré des obsèques… Tout ce vécu est en moi. Je l'offre maintenant à Dieu, en silence et avec Espérance.

Ai-je raison d'avoir cette attitude ?

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