Le discernement pastoral

Comme toute organisation, l'Eglise a besoin de normes et de canons auxquels tous les membres qui s'en réclament peuvent se référer et qui permettent de former une certaine unité. Mais respecter ces codes suffit-il à rejoindre les personnes qui s'adressent à l'Eglise dans la diversité de leurs attentes et de leurs situations ? Ainsi faut-il aux pasteurs se contenter coûte que coûte de cocher les cases auxquelles les demandeurs satisfont et opposer un refus aux autres s'ils ont des exigences non prévues par les règles canoniques ?

L'Eglise en paroisse n'a-t-elle pas le devoir de discerner, chez ceux et celles qui s'adressent à elles, l'authenticité de leur démarche, au-delà même de leur décalage au regard des règlements ? Devrait-on être exigeant sur la conformité aux règles pour remplir le ministère pastoral et se montrer négligent en ce qui concerne les intentions ? Les prêtres ne devraient-ils être que de scrupuleux enregistreurs de demandes de sacrements qui n'auraient pour tâche que de vérifier la conformité canonique des actes sollicités ?

En réalité la mission des prêtres et de toutes les personnes associées à la pastorale ne s'exerce-t-elle pas surtout lorsque la situation des demandeurs ne correspond pas exactement aux critères en vigueur ? La pastorale n'exige-t-elle pas d'accueillir, d'entendre pour comprendre et d'accompagner en chemin ? Il s'agit d'aller ensemble jusqu'à la table d'Emmaüs et de revenir à Jérusalem comme ces deux disciples que Jésus rejoint et écoute longuement alors qu'ils marchent à contresens de la réalité.

En pastorale, les pasteurs ne doivent-ils pas patienter devant ce qui ne correspond pas à ce qui est requis et ne jamais écarter ce qui réclame du temps pour être compris ? Si quelqu'un n'est pas ajusté aux règles mais qu'il nourrit de profondes intentions en esprit, ne doit-on pas l'admettre en pensant à cette phrase de Jésus "Le sabbat a été fait pour l'homme et non celui-ci pour la loi du sabbat" ? L'esprit a priorité sur la loi.

Ce billet n'a pas pour objectif de discréditer les bornes et panneaux qui encadrent la route, mais de rappeler que le plus important, c'est la route ! Si la personne qui se présente à nous nous la sentons sur la route, pourquoi devrions-nous lui reprocher de ne pas avoir vu tel ou tel panneau indicateur ? Pourvu que l'on soit en route dans le cheminement de foi, recommençant ou débutant, l'important n'est-il pas d'avancer d'étape en étape qui tracent un parcours, celui où Jésus nous rejoint et discrètement nous accompagne, lui qui s'est présenté comme "la Vérité, le Chemin et la Vie" ?

Aussi tout prêtre aujourd'hui, on l'aura compris, est en première ligne de ce discernement pastoral qu'exigent les conditions actuelles que traverse l'Eglise. Car s'il faut largement accueillir les gens de la première heure comme ceux de la dernière, l'Eglise ne doit jamais contribuer à amoindrir la saveur du sel ni ternir la lumière, qu'elle a mission de partager à tous. Ce discernement pastoral, les chrétiens, conscients de leur mission d'avoir à propager la joie et le bonheur de l'Evangile, en sont coresponsables. C'est en effet toute l'Eglise qui doit sortir du Permis et Défendu pour devenir un lieu de pèlerinage dans lequel chacun est en permanence attendu et reçu !