Convertissez-vous…

Notre époque dite moderne n'a jamais autant prôné le changement, l'évolution, ni favorisé le mouvement et la mobilité. Il est vrai que tout semble articulé à l'accélération et à la vitesse. Le machinisme, la mécanisation, les robots en particulier démultiplient la capacité et la célérité de la production de biens matériels. Les informations circulent dans le monde entier à une rapidité jamais égalée grâce aux moyens de l'informatique très perfectionnés. Les échanges commerciaux, la confrontation des idées et des modes de vie, les déplacements sont mondialisés. De cette société qui bouge, ici ou là craque et se lézarde, où les repères anciens s'effacent, certains membres s'essoufflent et n'arrivent plus à suivre ni à s'adapter. Certains décrochent et se rangent sur le bord, allant jusqu'à s'exclure de la marche. D'aucuns tombent malades physiquement et psychologiquement.

Or, s'adressant à cette humanité tout entière mouvante et mouvementée, l'Eglise ne cesse de lui répéter qu'elle doit se convertir et donc changer ! Ce qui ne laisse pas d'inquiéter celles et ceux pour qui se rattacher à une conviction religieuse est important et rassurant, puisqu'ils ressentent que, plongés dans ce bain liquide qu'est la société actuelle, la foi elle-même n'est plus à l'image d'un rocher, mais plutôt à celle d'une embarcation confrontée aux courants et aux vents, et plutôt en route qu'ancrée à l'abri d'un port !

Mais alors, comment comprendre cette phrase prononcée à l'entrée du Carême lors de l'imposition des Cendres : "Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle" ? Aux évolutions du monde actuel, faut-il ajouter des changements personnels ? Dans une société à géométrie variable, faut-il soi-même plonger dans la relativité et le provisoire, alors que l'on s'est réfugié dans la valeur sûre et intangible de la foi chrétienne ?

Il me semble que l'Eglise est dans sa mission reçue du Christ lorsqu'elle nous invite à la conversion. Elle nous invite à ne pas être scotchés au passé, mais à vivre pleinement le moment et dans le lieu présents. Car la foi chrétienne n'est pas un rétroviseur pour regarder en arrière, mais plutôt le parebrise qui nous donne à aborder la route avec clairvoyance et confiance, sans se sentir pressés jusqu'à des excès de vitesse mais sans ralentir non plus par peur des dangers !

Or cette route sur laquelle notre existence se déroule, c'est le Christ : "Je suis le chemin, la vérité et la vie". Se convertir, c'est donc devenir encore plus pratiquant de cette route qu'est le Christ. Cela suppose de le connaître davantage par ce qu'en disent la Bible, la Tradition et l'Histoire de l'Eglise, en le retrouvant dans la prière et surtout en vivant maintenant ce qu'Il a lui-même vécu en son humanité.

Ainsi, on l'aura compris, dans tous ces bouleversements que représentent les évolutions, les changements, les mutations, il est pour le croyant une chance et plus encore une grâce, celle du chemin permanent et unique qu'est le Christ. En acceptant de progresser sur ce chemin avec pour GPS l'Evangile et les sacrements comme aires de repos et de ravaitaillement, les croyants ne sont jamais livrés à eux-mêmes, seuls ni paniqués, sachant que le Christ leur demeure fidèle, les assure et les rassure.