L'Eglise à faire vivre aujourd'hui et demain

L'Eglise n'est pas cléricale, reposant uniquement sur la présence d'un prêtre. C'est en réalité la foi en Jésus-Christ qui la fonde : "Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux". Ce serait même prendre beaucoup de risques de lier l'existence de l'Eglise à un prêtre tenté de tout ordonner autour de lui. A notre époque où les prêtres se font rares, lier la vie et le rayonnement de l'Eglise au seul charisme du prêtre ne serait-il pas une erreur pastorale ?

Le ministère presbytéral actuel consiste à servir l'Eglise en appelant les croyants à bâtir par eux-mêmes. Car l'Eglise est faite de pierres vivantes que le prêtre certes contribue à rassembler et à unir, non autour de lui mais autour du Christ. Le ciment qui associe et rend l'édifice solide est l'Evangile qui communie les chrétiens en Jésus-Christ. Le travail des prêtres aujourd'hui leur demande donc de discerner, dans les communautés dont ils sont chargés par l'évêque, quels chrétiens pourraient être invités à assumer telle ou telle mission, en décrivant clairement la nature du service, en leur assurant la formation et le soutien dont ils ont besoin, en portant à la connaissance de tous cette responsabilité confiée. En démultipliant ainsi en catéchèse, en liturgie, dans l'animation des paroisses, les initiatives de charité, les "sorties" missionnaires aux périphéries…, la place et le rôle actifs des baptisés, l'Eglise tout entière devient vivante et rayonnante. Car ce n'est pas "tout" que le prêtre bouge, s'agite, ait sa photo dans le journal local, soit aimable et apprécié jusqu'à s'épuiser en disponibilité et générosité, le plus important est que des chrétiens mettent en œuvre leur baptême et répondent aussi positivement aux missions que, par la bouche du prêtre, la communauté dont ils sont membres leur demande. Avons-nous remarqué dans les évangiles que chaque fois qu'il percevait dans la foule une ferveur populaire avec l'idée qu'il prenne le pouvoir, Jésus s'éclipsait ?

Ce qui est nouveau dans la façon pour les prêtres de terrain d'exercer leur mission, c'est de se faire "bâtisseurs", en s'appuyant sur des relais, afin d'être en mesure d'appeler des chrétiens à prendre des responsabilités plus larges que leur propre vie. La mission des prêtres aujourd'hui est d'assurer un enracinement biblique et ecclésial par des formations solides et un accompagnement spirituel et sacramentel approprié. Si la mission des prêtres doit éviter l'omniprésence et la maîtrise sur tout, elle doit pourtant assurer la cohésion entre la diversité des missions réalisées pour le bien du corps tout entier, et aussi vérifier la cohérence avec l'Esprit évangélique qui assure sa véritable identité à une communauté qualifiée de catholique.

Certains font remarquer que, contrairement aux prêtres dont la mission est de faire vivre l'Eglise dans sa diversité et son unité, les "fidèles laïcs" ont d'abord à assurer et assumer leurs responsabilités séculières – conjugales, familiales, professionnelles et sociales -, et s'efforcer dans tous ces engagements humains d'y témoigner de l'Evangile ! Des lieux et des mouvements existent d'ailleurs pour partager cette vie confrontée aux réalités, pour s'appuyer les uns sur les autres et s'en ressourcer. Tout en reconnaissant la richesse irremplaçable de ces "stations", cellules vivantes, l'Eglise, ensemble du Peuple de Dieu, a besoin aussi de se faire communion de communautés, de s'organiser pour offrir à tout itinérant la possibilité de s'arrêter et de demander de l'eau du puits, à l'image de Jésus assoiffé dans sa traversée de la Samarie. Comme Jésus, en bon Pasteur, a reçu l'eau d'une villageoise, les prêtres eux aussi sont d'heureux bénéficiaires des rencontres que leur mission leur occasionne.