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Les billets du Père Lucien Marguet
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5 août 2017

Dans un EHPAD...

Une de mes sœurs a quitté sa maison pour être prise en charge dans une unité protégée pour personnes atteintes de maladies de la mémoire. Ses enfants viennent la visiter régulièrement, et ses frères et sœurs aussi. Je voudrais dans ce billet faire part de quelques observations et réflexions qui me viennent à l'esprit lors des contacts avec elle, le lieu qui l'accueille et le personnel qui en prend soin.

A la différence des autres quartiers ouverts de l'EHPAD, celui-ci exige de passer par un code digital, car il est toujours possible qu'un résident, se ressentant prisonnier, désire subitement s'échapper. Ma sœur accepte de demeurer là car elle semble lucide sur la précarité de son état. D'ailleurs elle ne prononce que des commentaires élogieux sur les personnes qui s'occupent d'elle pour se lever et se coucher, se vêtir et se nourrir. Dans la conversation elle y va même de questions sur ma vie, ma santé et mes activités. Loin d'attirer l'attention sur elle, elle demeure ce qu'elle a toujours été, attentive et préoccupée des autres ! Une résidente qui semble avoir reconnu en moi le prêtre que je suis s'approche pour me saluer et éclate en sanglots. Ma sœur la console comme elle l'a toujours fait lorsque dans sa famille des souffrances survenaient. Elle est malade, mais son fond gentil et généreux demeure le même.

Les trois quarts du temps passé avec ma soeur peuvent paraître normaux, tandis que le dernier quart lui donne souvent de prononcer des paroles déconnectées de la réalité. Je lui ai demandé ce qui la peinait le plus dans sa vie actuelle. Spontanément elle a répondu : "'C'est lorsque ceux qui viennent en visite m'annoncent qu'ils vont repartir et qu'ils vont me laisser seule." D'ailleurs c'est souvent le moment pour elle de solliciter de s'en aller aussi et de réclamer de lui indiquer qui est chargé de l'emmener ! La dernière fois que cette question m'a été posée par elle, l'infirmière est venue à mon secours et lui a dit : "Demain, vous avez un atelier mémoire que vous aimez beaucoup. Vous êtes souvent la première à trouver des mots, des proverbes, des citations à compléter, il vous faut donc rester parmi nous". Ma sœur a immédiatement aquiescé : "Ah oui, c'est vrai !", accompagné d'un sourire discret mais sincère.

A des degrés divers, ces personnes accueillies dans cette unité de soins spécialisée forment une sorte de communauté de vie, à longueur de journée et de nuit, devenue leur "domicile". L'espace est lumineux, des arbres robustes l'entourent. Une cour intérieure attire les résidents, où des bancs pour s'asseoir et se regrouper, des pelouses les attendent, des allées lisses pour marcher et se tenir debout ! Des animations, des exercices physiques, des ateliers ludiques, musicaux, culinaires leur sont proposés, non pas tant pour occuper le temps que pour leur permettre d'être reliés aux souvenirs de leur passé. Certains peuvent ainsi raviver, au moins dans l'instant, ce que leur mémoire avait gommé !

Certes j'expérimente dans ces visites la fragilité et la précarité de nos capacités physiques et psychologiques, mais en même temps la richesse de la dignité humaine que chacun et chacune garde jusqu'au bout de son parcours terrestre, sa sensibilité, son humour, la vérité de son âme.

 

 

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