L'Eglise : demain ?

En tant que membre du Conseil Presbytéral dont la fonction pour la quinzaine de prêtres élus par leurs confrères est de conseiller l'évêque du diocèse, j'avais été sollicité pour donner un témoignage de mon parcours depuis la naissance de ma vocation jusqu'à mes 75 ans accomplis en passant par mes 46 ans de ministère, et pour montrer l'évolution et de la société et des initiatives et pratiques pastorales de l'Eglise locale. Ce texte de mon témoignage a été distribué et chacun a pu le relire. C'est ainsi qu'un prêtre, encore jeune, m'a fait remarquer que, si mon témoignage racontait bien le chemin, il ne disait quasiment rien de son "avenir". Je me décide donc à le prolonger en anticipant ce qu'il pourrait et même devrait être par la suite.

Vers quelle société et vers quelle Eglise allons-nous ? A quels renoncements consentir et quelles priorités se donner ? Demain, c'est déjà ce que nous voyons aujourd'hui dans la diminution des chiffres de croyants, de pratiquants réguliers, de militants dans un mouvement chrétien. Et même les paroisses les plus animées par des laïcs ont parfois des difficultés à appeler des chrétiens pour succéder à ceux dont la durée convenue pour un service est largement dépassée. Aussi faut-il nous convertir aux petits nombres et renoncer à les ressentir comme des échecs dans l'espace pastoral. Il nous faut effacer en nous cette idée parfois bien ancrée que le chiffre élevé est critère de vérité et de réussite. Certes Jésus s'est adressé à des foules qui ne sont pas devenues forcément un Peuple adhérent et en marche. Et Jésus n'a réussi à regrouper autour de lui qu'une équipe restreinte de gens dont on a vu les fragilités et finalement la force inoxydable grâce à l'Esprit.

Cesser d'accrocher notre regard aux chiffres doit être associé à l'idée que chacun a son propre cheminement de croyance. En effet toute existence passe par des hauts et des bas dans ce domaine de l'intériorité, et aussi de l'adhésion et de la participation à une "communauté croyante". Le réseau des disciples du Christ est bien plus large que celui que l'on peut voir à travers ceux qui déclarent en faire partie par une fréquentation cultuelle régulière. Or ces chrétiens d'esprit et de cœur, sans identité chrétienne officielle, l'Eglise a la mission de les ravitailler par des moyens et surtout des gens qui les côtoient. L'Eglise doit donc particulièrement s'investir dans la transmission du Message évangélique vers ceux et celles qu'elle continue à rejoindre et rassembler, afin que ces bénéficiaires puissent à leur tour témoigner en paroles et en actes de l'intérêt actuel de la foi, de l'Espérance et de la charité.

L'avenir de l'itinéraire dont j'ai conté l'évolution sera donc selon moi une "église", des petites communautés "en sortie", au milieu des femmes et des hommes de ce temps, ayant leur langage mais annonçant, - parfois à contrecourant des modes, des vogues, des cultures envoûtantes et dominatrices -, le primat de la liberté, de la dignité, l'invitation faite à toute vie humaine de ressembler à celle de Dieu jusqu'à la rejoindre. Aussi il est grand temps dans l'Eglise que chaque baptisé devienne acteur clairvoyant de l'évangélisation. Cela suppose confiance, responsabilité et formation, mais aussi mutualisation et communion !