A quoi bon croire en Dieu…

Durant mes 47 années de ministère pastoral, il m'a été donné d'entendre et d'accueillir tant de questions, d'interpellations, qui m'ont toutes fait réfléchir. Dans ce billet, je souhaite rapporter celles qui tournent autour de la foi des croyants en Dieu. Je vais donc énumérer une série d'objections faites à toute croyance religieuse, sans les contredire ni non plus les valider.

Se tourner vers le ciel, n'est-ce pas déposer les armes face aux combats à mener dans la vie ? N'est-ce pas là une attitude lâche, une aliénation de la liberté et de la responsabilité ? La prière ne ressemble-t-elle pas à la main tendue du sans-domicile-fixe pour quémander? N'y a-t-il pas dans la quête de Dieu une forme de démission à devenir autonome et puiser dans ses propres capacités les ressources nécessaires pour mettre en œuvre les solutions adaptées aux obstacles rencontrés ? Croire en Dieu n'est-il pas une forme d'incroyance en soi-même ? N'y a-t-il pas quelque chose d'infantile dans le recours à la puissance divine déclarée paternelle ? A l'image de l'enfant qui, faisant ses premiers pas, a peur de tomber et se réfugie dans les bras paternels ? La foi en Dieu ne devient-elle pas chez certains un coup de tampon qui accrédite ce qu'ils affirment ou donne raison à leur conduite morale, ceux-la utilisant ce qu'ils savent de Dieu pour se justifier ?

Des dirigeants, politiques, économiques, peuvent faire de Dieu et de ses lois morales un bouclier contre toutes les expressions de révolte et de réclamation qui bouleversent l'ordre établi et fissurent la soumission. La religion est alors considérée comme un ciment de valeurs auxquelles sont soumises les populations ainsi maintenues éloignées de toute velléité de revendications de changements de leur condition sociale. Dieu serait ainsi garant des dominants ! Cette quête d'une vie sans Dieu s'est aussi accompagnée souvent d'une vie en solitaire, sans les autres, dans l'affirmation d'un Moi et d'un Je, surdimensionné, parfois prétentieux, souvent orgueilleux, loin de toute modestie et proche de l'orgueil !

J'ai souvent aussi entendu formuler des reproches à l'adresse de Dieu devant le mal et la perversité, devant la maladie et les désastres de la nature, devant la mort, en particulier celle d'enfants et de jeunes… Si Dieu est si puissant, pourquoi laisse-t-il faire tant de ravages dans le monde ? Pourquoi n'a-t-il pas créé un univers un peu moins chaotique ? Pourquoi n'a-t-il pas imaginé un homme plus attiré par le Bien que trop souvent par l'instinct de haine, de domination, de vengeance, de guerre ? Pourquoi avoir pris ce risque de la liberté et du mauvais choix chez l'homme ? Quel amour chez Dieu qui laisse périr l'innocent et gagner le méchant ? Pourquoi Dieu s'est-il reconnu obligé d'envoyer son propre Fils pour réparer ce qu'il avait raté dans la création de l'univers et de l'Humanité ? Quel visage de Père Dieu montre-t-il lorsqu'il se refuse à intervenir pour libérer son Fils Jésus arrêté, jugé et crucifié devant une foule désorientée ?

Peut-être le lecteur de ce billet étrange – puisqu'il se contente de rapporter les griefs contre Dieu – s'attend-il à ce que je prenne sa défense ainsi que celle de ceux et celles qui mettent leur confiance en lui, parmi lesquels je me compte bien sûr. Pourtant en même temps que de témoigner haut et fort de leur foi chrétienne, je conseille aux croyants d'entendre vraiment les interpellations des indifférents et des incroyants car elles comportent aussi une part de vérité.

Alors, à quoi bon croire en Dieu ? Non, Dieu n'est pas "utile" ; oui, on peut vivre sans Dieu, à l'image de ces torrents et de ces rivières qui irriguent et fertilisent les plaines, et qui ignorent la source d'où proviennent leurs eaux abondantes…