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Les billets du Père Lucien Marguet
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19 janvier 2018

Ce qui est légal nous dispense-t-il d'une réflexion morale ?

Au nom de la "modernité", l'être humain se revendique comme sujet de droits individuels. Parmi ces nombreux droits – à la dignité, à disposer de soi et du sens donné à ses choix et ses convictions, au libre exercice de ses capacités -, ceux de procréer et d'assurer sa descendance, mais aussi celui d'interrompre la vie ne peuvent être garantis qu'avec l'assentiment légal de la République.

La forte poussée libérale selon laquelle chacun conduit sa vie comme il l'entend selon les normes qu'il se donne, à condition de ne pas empiéter sur l'espace de liberté des autres, ressemble à une vague déferlante qui recouvre les plages de la Raison et de la réflexion. La priorité est donnée à l'affection et à l'émotion, aux désirs et aux aspirations des individus et à leur satisfaction souhaitée dans une logique libérale. Selon celle-ci, la mission d'un démocrate serait donc de fournir un cadre légal à ces revendications ressenties comme légitimes. Sans doute peut-on constater et regretter que toute la réflexion collective ne porte que sur l'interdit ou le permis de lois qu'il suffit de faire évaluer pour que ce qui n'est pas possible aujourd'hui le devienne demain grâce à une législation nouvelle.

Toute tentative d'introduire une réflexion aux accents éthiques est parfois ressentie comme un frein à la réalisation du bonheur des individus. Or n'est-il pas aussi dans la mission et le devoir de tout humain de réfléchir aux conséquences immédiates et lointaines de ses choix et de ses actes, et tout spécialement vis-à-vis des autres au milieu et grâce auxquels il vit ? Prenons quelques exemples :

Quand on désigne la locomotive d'une vie à cette affirmation : "j'ai droit à un enfant, donc j'attends de l'Etat qu'il m'en fournisse les moyens légaux", n'oublie-t-on pas d'évoquer les potentiels droits légitimes des enfants à naître ? Je pense aux droits de connaître leur origine, de bénéficier de l'éducation paritaire, de la part d'un homme et d'une femme ? S'il s'agit d'une mère porteuse, qu'en sera-t-il de la séparation de l'enfant remis, à sa naissance, à ses parents adoptifs ? Comment l'enfant intégrera-t-il au plus profond de son psychisme ces étapes de son histoire ? Quant au débat sur "le droit de choisir de mourir", l'euthanasie ne concerne-elle réellement que la personne qui en prend la décision ? Qu'en pensent ses proches ? Et ceux qui devront l'exécuter ? Cet acte grave qui interrompt volontairement une vie ne va-t-il pas diffuser chez ceux qui en sont témoins un aveu d'échec et d'abandon, en ressentant que tous les moyens d'accompagnement jusqu'au dernier souffle, en particulier ceux de soulager les souffrances, n'ont pas été assez pris en compte ? Cette pratique de l'euthanasie ne va-t-elle pas diffuser et habiliter cette idée que seule la vie active, rentable, productive, utile aux autres, est la "vraie vie"… et que les fins de vie ne peuvent qu'être abrégées puisque "embarrassantes" pour l'entourage ?

La PMA pour qui le souhaite ? La GPA rendue possible ? L'euthanasie ou le suicide assisté légalisés ? Modifier la génétique des embryons humains, à quelles conditions et dans quels buts ? Faut-il encadrer la pratique déjà en cours de la conservation des dons d'ovocytes et de spermatozoïdes ? Certes dans ces débats essentiels au cours desquels les points de vue peuvent se révéler très divergents, le pouvoir politique dans le contexte d'une démocratie tient un rôle primordial, en assurant à des convictions éthiques diverses l'appui légal à condition que l'ordre public et le vivre ensemble demeurent possibles.

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