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Les billets du Père Lucien Marguet
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30 janvier 2023

7 ans dans la savane du Nord-Cameroun

 

De septembre 1973 à septembre 1980, j'ai vécu dans l’ethnie des Moundangs au Nord-Cameroun. À mon arrivée, j'habitais dans la mission catholique de Lara. Pour m’insérer davantage, il me fut proposé d'aller partager l'existence des habitants de Kazaro. J'étais tenu alors de parler le langage local, de me laisser inviter dans les concessions, d'aller puiser de l'eau au puits situé non loin de la case où je logeais et faisais ma cuisine entre trois pierres. 

J'ai découvert en ces deux années beaucoup de la vie sociale, économique, religieuse de ces paysans courageux et attachants du Nord-Cameroun. Ils cultivaient le mil, les arachides et le coton qu'ils vendaient ensuite, ce qui leur permettait d'acheter quelques livres et cahiers à leurs enfants scolarisés et de payer le médecin de l’hôpital auquel ils s'adressaient parfois. Jacques Paguele, paysan modèle pour tous, catéchiste coutumier de la Bible et humainement apprécié, m'a beaucoup appris et marqué. Je peux témoigner que si j'étais venu rejoindre les oblats de Marie immaculée pour transmettre l'Évangile de Vie, à leurs côtés dans le cadre de missions catholiques toutes récentes en cette région, j'ai surtout beaucoup reçu de ces frères et sœurs en humanité. Leurs messages téléphoniques et internet me permettent d’ailleurs de continuer à avoir avec quelques uns des liens authentiques. 

Après cette immersion en brousse à la lumière de la lampe tempête et de la pile électrique, je fus envoyé à Kaelé pour devenir aumônier du lycée d'État qui accueillait des élèves jusqu'au bac. Je donnais des cours de religion catholique pour ceux qui s'intéressaient. Beaucoup étaient de religion animiste, quelques-uns pratiquaient l'islam, quelques-uns étaient déjà chrétiens. La Bible était notre livre de référence dont il fallait souligner le sens, l'impact sur nos modes de pensée, de vivre et d'agir. Je peux dire que ce fut pour moi un profond bonheur d'explorer la Bible avec ces jeunes, filles et garçons, avides de connaissances tant profanes que religieuses. J'ai baptisé peu de bébés et un grand nombre de lycéens et de lycéennes. Certains aujourd'hui devenus adultes, pères de famille, enseignants, soignants, paysans, m'expriment leur joie d'être devenus chrétiens. 

Durant cette période, j'ai observé que les jeunes aimaient lire et s'informer mais que chacun ne possédait chez lui qu'un ou deux livres. J'ai alors fondé un centre qui comportait une grande bibliothèque dont les livres m'étaient fournis par l'ambassade de France. Cette bibliothèque était composée bien sûr des classiques de la littérature mondiale, mais surtout d’ouvrages des grands auteurs africains. Plusieurs garçons et filles de l'aumônerie tenaient permanence pour que les élèves puissent emprunter gratuitement des ouvrages. Dans ce centre que l'on avait nommé Baba Simon, du nom d'un prêtre du Sud-Cameroun venu vivre au nord, à Tokomberé, j'avais aussi installé un atelier où l'on pouvait venir travailler le bois, par exemple créer des tabourets et des tables, un lit, une étagère. Cette idée d'associer la main qui fabrique à l'esprit qui cherche à savoir et comprendre m’était venue de l'observation des besoins quotidiens des élèves. Le père Jean Marc Ela, penseur connu au Cameroun, était d'ailleurs venu donner une conférence dans le centre sur ce thème du développement intégral. Aujourd'hui encore, parmi ceux que j'ai eu la joie de baptiser et d'accueillir dans l'Eglise catholique, universelle, certains me manifestent leur reconnaissance de leur avoir ouvert les yeux, le cœur et l’intelligence en découvrant ensemble l'Évangile de vie. 

J'ai reçu il y a peu la preuve que le centre Baba Simon était toujours d'actualité en apprenant que l'équipe pastorale actuelle avait amélioré les locaux et avait même  créé un bâtiment adjacent pour y loger des élèves sans pied-à-terre dans Kaelé. J'avais aussi soutenu les projets villageois de mini-bibliothèques, de petites pharmacies et de greniers à grain, résultant de la mise en commun de quelques livres, de quelques médicaments et de quelques paniers de mil que chaque famille pouvait apporter et dont elle pouvait bénéficier en même temps !

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