Quand un prêtre âgé accoste à l’autre rive…

Je suis certain que chacune et chacun des habitants du canton pourraient prendre la parole et témoigner de ce que le Père Robert Laprade, le doyen décédé dans sa 101^ème année, lui a apporté de conseils, de soutien, en ces très nombreuses années passées au presbytère de Monthois. Que de mariages, de baptêmes, de professions de foi, d’obsèques, il a célébrés, que d’enfants et de jeunes il a vu grandir et devenir adultes, à qui il a témoigné du chemin de Jésus.

Sa vocation et sa mission de prêtre s’appuyaient et se révélaient à travers les richesses de son humanité. Il avait des talents d’artiste. Il aimait ce qui est beau et bon. Il était bienveillant et le plus souvent arrangeant. Toujours prêt à rendre service à qui venait lui demander d’être aidé ! Tout en étant attaché à sa tâche pastorale locale, il avait un réel attachement à son diocèse et à ses autorités ecclésiastiques tout en doutant de l’intérêt qu’elles avaient pour lui. Il se montrait cependant toujours heureux et quasi flatté de recevoir la visite de l’archevêque et de l’honorer par une belle cérémonie et un bon repas.

Il était fidèle à célébrer la messe chaque jour. Et comme ces dernières années il ne voyait plus, il se faisait assister par des participants qui avaient pour rôle de lui souffler les mots du rituel lorsqu’il les oubliait. Ce qui était rare. Jusqu’à l’avant-veille de sa mort, il a reçu une parcelle d’hostie des mains d’Agnès, une paroissienne qui le rejoignait chaque jour pour prier avec lui. Les fidèles habitués des messes dominicales se souviennent des assemblées priantes qu’il savait « présider » avec douceur et rigueur tant dans l’église St-Luc de Monthois que dans chaque lieu de culte des villages environnants faisant partie de la paroisse de la Trinité !

Ce prêtre, qui a aussi été mon curé lorsque j’étais enfant et adolescent a reçu ma toute première demande d’entrer au petit séminaire de Reims. Il m’a soutenu durant tout mon parcours de formation et a organisé mon ordination dans l’église St-Luc de Monthois, Jean-Marie Maury étant à ce moment-là archevêque de notre diocèse Reims-Ardennes. Il m’a accueilli avec beaucoup d’amitié lorsque, après avoir accompli divers ministères, j’ai été envoyé à Vouziers, étape terminale avant l’âge de la retraite fixé à 75 ans. Je me retrouvais à mon point de départ : le lieu de ma naissance, de ma scolarité et de résidence de nombreux membres de ma famille. Jamais à aucun moment nous n’avons été en désaccord ou en opposition alors que les « stratégies pastorales » devaient évoluer en raison des changements qui nous imposaient de nous adapter.

Si je dois résumer ce que ce « pasteur » m’a fait comprendre de plus profond, je suis tenté par ces mots : proximité humaine toujours, et vivre l’universalisme en étant réellement « planté » en un lieu particulier !