26ème Dimanche du temps ordinaire (Année C)

25 septembre 2022

Amos 6-1a - 1^ère Timothée 6^11-16 - Luc 16 19-31

Dans les textes proposés ces dimanches de septembre, il y a eu la parabole de l'enfant prodigue, celle de l'intendant habile et malhonnête, aujourd'hui c'est celle du riche et du pauvre Lazare. Toutes révèlent une facette du visage et du cœur de Dieu. Et puisque nous nous sentons appelés à être comme Dieu, nous sommes interpellés par la façon dont Jésus nous dit qui est Dieu. 

La première lecture et l'évangile que nous venons d'entendre convergent : ce n'est pas la richesse en soi qui est condamnée. Car la richesse tant matérielle qu'intellectuelle est le résultat du courage et des efforts, des initiatives et des risques pris par quelqu'un dans son travail et dans sa vie. Les talents humains créent des moyens supplémentaires. Souvenons-nous de la parabole des talents dans laquelle Jésus encourage chacun à faire fructifier le ou les talents reçus. Produire et transformer, améliorer, augmenter les possibilités, tout cela fait partie des devoirs de l'homme et témoigne de sa dignité qui l'associe au créateur. 

Mais ce qui pose question, c'est l'usage des biens et la répartition des richesses. Dans cette parabole, "le riche", dont le nom n'est pas dit, était tellement dans son monde qu'il n'a pas vu les gens à sa porte. Il n'avait besoin de personne puisqu'il avait tout à portée de main. La richesse, qu'elle soit matérielle, financière ou intellectuelle et même religieuse, peut devenir à la longue un handicap quand elle génère un réflexe de conservation et de protection. Quand elle fait vivre dans l'autosuffisance et l'ignorance des autres. Quand les convictions deviennent idéologie, intolérance, quand la pensée personnelle devient "Tour d'Ivoire". La richesse peut enfermer et satisfaire, elle peut limiter le cercle ; sur le plan moral, elle peut entretenir l'orgueil et l'égoïsme. Le riche, on peut le voir aussi sous les traits des pays nantis du Nord qui ignorent trop souvent, dans leur consommation, les pays démunis du Sud. Riches et pauvres, ce sont les quartiers huppés et les quartiers pauvres des villes, ce sont les barrières sociales parfois imperméables entre intellectuels et manuels, dirigeants et peuple. 

Ce riche dont parle Jésus était fils d'Abraham. Il le savait, mais il se croyait dispensé d'avoir à écouter les prophètes tels Amos dont nous avons entendu les sévères avertissements lancés à ses frères hébreux menacés d'être déportés. Les débordements de luxe pourrissent une société. Quand une société ne pense qu'à se distraire et à se divertir, elle perd de sa vigilance et de sa vitalité. Elle est menacée d'être déportée au sens où on est déporté lorsqu'on circule mal sur une route, par exemple lorsqu'on est distrait et qu'on manque d'attention. A force de ne plus respecter les droits de l'homme, à force d'oublier ou d'écarter Dieu, ni l'homme ni Dieu ne comptent plus ! 

Ce riche dépeint par Jésus n'avait pas remarqué ni regardé Lazare (dont le nom signifie "Dieu aide") quand il était sur terre. La mort, en le privant de ses biens qui faisaient écran, lui fait rencontrer Lazare qu'il n'avait jamais vu à sa porte ! Il ne le découvre que lorsque dans l'au-delà il croise Abraham. Se souvenant alors qu'il est fils d'Abraham, il crie : "Abraham mon père, prends pitié de moi"… Et Abraham d'expliquer que Lazare ne peut rien faire pour lui. Pourtant Jésus entrouvre une porte de salut pour cet homme qui s'est perdu, quand il pense au moins à sa famille… "Père Abraham, je te prie d'envoyer Lazare dans la maison de mon père. J'ai 5 frères, qu'il les avertisse pour qu'ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture…" Voilà bien la preuve de l'amour que cet homme a pour d'autres que lui-même ! Il est vrai que la parabole se termine de façon plutôt pessimiste : "S'ils n'écoutent pas Moïse ni les prophètes, quelqu'un pourra bien ressusciter d'entre les morts, ils ne seront pas convaincus". Qu'est-ce qui peut remettre les pendules à l'heure dans nos vies ? Qu'est-ce qui peut nous réveiller et nous éveiller quand nous sommes atteints par le repli sur nous, l'hédonisme sans frein et le désintérêt pour les autres ? 

Abraham est cité 7 fois dans cette parabole. C'est donc sûrement une clé du texte. Ce pauvre mendiant Lazare est de toute évidence un impur puisque les chiens, animaux réputés impurs à l'époque, viennent lécher ses plaies. Abraham ne renie pas le riche, il lui dit : "mon enfant". Mais quand le riche implore un geste de pitié, Abraham a cette réponse terrible : "Un grand abîme a été mis entre vous et nous". Si nous ignorons nos frères, et pas forcément les pauvres, mais tous les "mondes" autres que celui auquel nous appartenons, nous creusons nous-mêmes des abîmes entre nous, parmi lesquels sans doute le plus grave est celui de l'indifférence. 

Jésus aimait recourir aux allégories, aux images, aux paraboles. Il devait forcer le trait des personnages, souligner les contrastes, marquer les différences et les oppositions. Il s'agissait pour lui de présenter à son auditoire un Dieu dont le visage et l'image étaient trop souvent façonnés par l'imagination humaine et défigurés par les instincts et intérêts des uns ou des autres. Ce n'était pas l'homme à l'image de Dieu, mais Dieu à l'image de l'homme, en un mot l'idolâtrie. Les trois paraboles de ces trois dimanches nous invitent à visiter le cœur miséricordieux et juste du Père. C'est pour ainsi dire portes ouvertes dans la maison Dieu ! 

En 2^ème lecture, saint Paul écrivait à Timothée, et je termine en le citant : "Toi, l'homme de Dieu, cherche à être juste et religieux, vis dans la foi et l'amour, la persévérance et la douceur. Continue à bien te battre pour la foi et tu obtiendras la vie éternelle ; c'est à elle que tu as été appelé, c'est pour elle que tu as été capable d'une si belle affirmation de ta foi devant de nombreux témoins".