Joseph, Marie et Jésus

Bien sûr que j’apprécie les couples et les familles qui tiennent le cap qu’ils se sont fixé à l’embarcadère de leur existence commune. Mais je suis bien obligé de constater que nombre de foyers finissent par imploser sous l’effet des vents violents et des intempéries traversés dans leur vie !

Or je ne peux me contenter d’approuver les uns et de délaisser les autres, sous le prétexte que ceux-ci ont échoué dans leur traversée. Comme prêtre, comme chrétien, je ne peux les juger ni ne plus les accueillir ni les fréquenter, surtout s’ils continuent à choisir d’aimer encore et toujours, malgré leur première expérience ratée ! Si malgré leur échec qu’ils ne camouflent pas en accusant l’autre d’en être l’auteur, s’ils l’assument mais persistent à croire en l’amour humain possible, s’ils font le choix de se relever et de reconstruire, de quel droit vais-je ajouter à leur accablement ? Mon devoir et ma mission ne sont-ils pas de les aider à réussir le projet affectif qui peut donner son « plein sens » à leur existence ? Je ne peux confisquer l’amour de Dieu et ne le destiner qu’à celles et ceux jugés conformes et méritoires. Par Jésus et ses fréquentations, ses paroles et ses actes, je sais que l’Amour de Dieu, source de tout amour humain, doit être dispensé à tous.

Certes l’architecture et le fonctionnement des couples et des familles ont une grande importance, mais tous ont surtout besoin de ce carburant universel qui s’appelle le don de soi et l’Amour. D’ailleurs saint Paul, dans sa lettre aux Corinthiens, décrit cette vertu que les théologiens qualifient de « théologale » parce qu’elle est un don de Dieu. A chacun revient le soin de semer, de cultiver, de faire fructifier ce don de charité, d’Amour dont Dieu nous aime, dans le jardin de son existence, personnelle, conjugale, familiale et sociale.

Cet amour, force et énergie reçues, certains vont le consacrer à une passion pour la recherche scientifique, le combat contre les maladies, la défense de la paix civile ; certains vont choisir le célibat et la disponibilité totale aux autres, d’autres seront artistes, humoristes, chanteurs, écrivains, journalistes, prêtres, en se consacrant entièrement à cette vocation à plein temps. L’essentiel pour tous, couples, familles, quelle que soit leur configuration, est l’Amour, conjugué aux petits et aux grands événements que leur vie leur réserve ou dont ils se veulent les auteurs !

Quand les chrétiens se réfèrent à la façon dont Marie et Joseph ont fondé cette famille dans laquelle Jésus est né, a grandi, s’est préparé à ses trois ans de vie publique et missionnaire, ils peuvent découvrir que ce qui a façonné et donné sa solidité à ce couple et étayé le plus la croissance intellectuelle, morale et spirituelle de Jésus, lui a fourni son énergie, a été le respect et l’entente mutuels de Joseph et Marie, ainsi que la confiance qu’ils avaient tous deux en Dieu dont ils recevaient en songe leur chemin à suivre. Cette famille assez atypique en sa fondation et son fonctionnement, pour autant qu’elle aura été singulière et spécifique, n’en demeure pas moins universelle et exemplaire puisqu’elle a vécu de relations réciproques et d’amour, et que c’est bien cela qui édifie une famille.

Aussi quand je contemple la vie familiale, je ne regarde plus seulement sa physionomie, mais je suis sans doute plus attentif à l’esprit qui l’anime !