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Les billets du Père Lucien Marguet
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11 juin 2020

Quand on aperçoit les côtes…

 

Lorsqu’on parvient à l’âge qu’il est « raisonnable » de qualifier avec justesse de « mûr » ou « d’avancé », on s’aperçoit que le « passé » occupe en soi une place de plus en plus importante. S’accumulent en tête les évènements, petits et grands, qui ont jalonné le parcours des années, les choix et engagements, les responsabilités choisies et celles qui nous ont été confiées, bien sûr les projets aboutis et ceux qui ont été abandonnés, le bien, le mal, les médiocrités et tous les échecs, les ratés !

Toutefois ce qui me marque le plus est la liste impressionnante des gens avec qui l’on a partagé un bout de chemin et avec certains noué et entretenu une proximité amicale. Ce fut avec ce couple un mariage, un baptême, la profession de foi d’un enfant, avec cette autre famille la transmission de la foi dans une équipe de catéchisme, celle d’une aumônerie scolaire. Je pense aussi aux équipes de jeunes professionnels, où se partageaient sans retenue souffrances et bonheurs, projets et trajets. J’ai été témoin heureux de ces partages d’Humanité ! A travers ces enfants, ces adolescents, ces jeunes adultes, ces couples, j’ai pu recevoir et mieux comprendre ce qu’est vivre et développer sa propre humanité, avec ses aspirations, ses désirs, ses tensions, ses craquements et aussi ses contradictions.

Ce que fut mon passé m’a fait estimer et choisir « la vie » jusqu’à en faire le mobile principal de mes choix et du mouvement de ma foi en Dieu que je reconnais être à l’origine et au terme de mon goût pour aider les autres à « poursuivre ». Cette force attractive pour la vie humaine, que je ressens en moi et bien sûr autour de moi dans une commune humanité, a pourtant souvent été contrariée par la mort de tant de gens « débarqués » de cette « traversée » que sont l’existence terrestre et l’histoire. Tant de vivants mais aussi tant de morts ont, à cette heure, déjà marqué mon esprit, mon cœur, et imprimé ma mémoire.

Oui ! La mort et la fragilité, la précarité demeurent depuis toujours la grande énigme de mes interrogations et de mes réflexions ! Je ne parle pas seulement de la mort comme un thème philosophique, mais de celle de gens que j’ai côtoyés, aimés. La mort des amis aux visages identifiés. Ceux d’ici et de là-bas. Parmi ces gens que j’ai fréquentés et qui ont déjà rendu le »paquetage » de leur « traversée », ceux qui sont morts enfants, tel Mamoudou en Afrique, mort d’une crise de paludisme, dont la maman n’avait pas assez d’argent pour lui acheter de la nivaquine ; ces jeunes qui « se sont donné la mort », selon l’expression cruelle et si décalée, et dont, comme prêtre, j’ai célébré avec tant d’émotion les obsèques toujours bouleversantes. Je pense à ces frères prêtres qui avaient mon âge et qui ont déjà accosté à l’autre rive. Leur absence a creusé en ma vie un manque, douloureux. Bien sûr les membres de ma famille, disparus sous le poids des années de labeur et de soucis et très souvent de maladies inguérissables, souvent occupent mon esprit et continuent à apporter devant mes yeux tout ce bien que leur passage sur terre  leur a permis de cultiver et de nous offrir à nous leurs proches. Je pense à leur travail et à leurs implications familiales et sociales. Morts, leur souvenir m’accompagne.

La liste des personnes dont la mort continue à me marquer parce que leurs paroles, leurs actes, leurs interventions, leur humanité, leur foi, traversent le temps et délivrent des messages remarquables et valables pour aujourd’hui font de ces gens célébrés des personnages auxquels j’exprime ma gratitude non seulement à eux mais à Dieu, dont ils ont été, par le trajet de leur vie sur terre, des traducteurs de son Amour et de sa vie.

Les côtes où l’on sait que l’on va un jour nécessairement débarquer doivent, je le sais, être négociées et approchées avec douceur et confiance, car elles sont un lieu où nous attendent et nous accueillent ceux et celles qui y sont déjà installés pour l’Eternité.

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