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Les billets du Père Lucien Marguet
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8 novembre 2021

32ème dimanche du temps ordinaire (Année B)

7 novembre 2021

1 Rois 17 10-16 - Hébreux 9 24-28 - Marc 12 38-44

 

Ce passage de l’Evangile de Marc que nous venons d’entendre me semble moins appeler des explications et des commentaires qu’une sorte d’arrêt sur image, voire peut-être un retour sur cette scène où nous entendons le Christ enseigner (1), où nous le voyons regarder (2), où il nous fait comprendre le sens du geste de la pauvre veuve qui dépose ses deux piécettes (3), et où - comme les disciples - nous écoutons ce qu’il dit à propos de cette femme (4). Quatre moments où nous pouvons apprendre comment devenir disciples du Christ.

1. Le Christ enseigne, et cet enseignement est une mise en garde contre les scribes. Que leur reproche Jésus ? Il leur reproche d’être des hommes de l’apparence, d’être des « joueurs » : ils jouent un rôle, le rôle pieux qu’on attend d’eux. Ils veulent se montrer, ils cherchent à être reconnus, ils se mettent là où ils sont visibles. Tout leur comportement est commandé par le personnage qu’ils se composent. C’est le regard et le jugement d’autrui sur eux qui leur importent. A travers ce que Jésus dit des scribes, nous pouvons entendre ce qu’il nous dit aujourd’hui : ne menez pas une vie « décorativement » chrétienne tout entière commandée par ce que les hommes peuvent en voir et en dire ; soyez des hommes et des femmes qui agissent selon ce que leur cœur les appelle à être, des êtres dont les actes vérifient les dires, des chrétiens qui savent qu’ils ne sont jamais « ajustés » à ce que le Seigneur les appelle à être et à vivre.

2. Le Christ regarde. Jésus s’est assis dans le Temple, et il regarde. Il regarde la foule, ces hommes et ces femmes venus de partout faire ici une offrande. Il y a cette femme, cette pauvre veuve qui s’avance, dépose ses piécettes et s’en va. Jésus ne lui parle pas, et elle ne lui parle pas ; elle ne lui a rien demandé. On ne sait rien d’elle : elle reste anonyme dans la foule anonyme. Mais Jésus l’a remarquée, l’a distinguée entre toutes. Jésus devine, reconnaît, exprime la grandeur cachée d’un geste posé silencieusement, parmi d’autres et pourtant unique.

Et si nous regardions comme le Christ regarde ? Et si nous nous laissions enseigner, par ce regard, comment regarder ou plutôt contempler notre monde ? Et si nous ne regardions pas comme ceux qui observent pour soupeser, qui constatent pour juger, qui remarquent pour critiquer ? Et si nos yeux voyaient ce sourire qui peut être arraché à une tristesse profonde, cette main tendue quand on est soi-même si seul, ce temps donné quand on peut être bousculé, cette hospitalité accordée à autrui quand on a soi-même besoin d’être écouté, accueilli et soutenu ? Oui, et si nous regardions combien et comment Dieu habite anonymement, secrètement mais réellement, le cœur d’hommes et de femmes dans nos mondes d’aujourd’hui ?

3. Jésus nous fait comprendre ce qui se passe dans la démarche de cette pauvre veuve. Elle est décrite par ce qui lui manque : la sécurité que donnent l’argent et les biens, l’affection et l’amour de celui qui était son époux. Elle ne peut s’appuyer ni sur des ressources matérielles qu’elle n’a pas, ni sur celui qui lui a été enlevé. Elle pourrait se replier sur sa misère, garder d’autant plus jalousement ce qui lui reste qu’il s’agit du peu nécessaire pour vivre ; elle pourrait s’enfermer dans le chagrin et la solitude de qui se voit privé de son compagnon de vie. Mais c’est le contraire qui advient dans cette femme inconnue et exceptionnelle : la pauvreté lui ouvre encore davantage les mains pour donner, jusqu’à tout donner. Par son geste, cette femme nous dit que donner, ce n’est pas se séparer de quelque chose. Elle nous montre que tout l’homme est engagé dans ce qu’il donne : donner, c’est toujours se donner, et se donner, c’est se livrer. On ne donne et on ne se donne qu’à partir de la générosité d’un cœur qui s’ouvre. On ne donne et on ne se donne ni à moitié, ni à regret, car, en donnant et en se donnant, on s’ouvre à un avenir dont on n’est pas le maître.

4. Et Jésus parle de cette femme : Jésus révèle à ses disciples la profondeur d’un événement qui s’est produit à côté d’eux. Cette femme a, comme la veuve de Sarepta, donné ce qui lui était nécessaire pour vivre. Elle n’a pas retenu pour elle quelque chose : en donnant ce qu’elle avait pour vivre, elle a donné sa vie. Folie ? Assurément… Mais la « folie » de cette femme ne peut être comprise que par Celui qui vivra la folie de la Croix « en ne retenant pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » (Phil 2, 6). Dans l’offrande de la pauvre veuve, Jésus peut comprendre le propre don de lui-même jusqu’au bout qui sera le sien. Alors le geste de cette femme est non seulement objet de contemplation, mais il est aussi question posée à chacun et chacune d’entre nous, question posée sur notre capacité à nous dessaisir, à livrer quelque chose de nous-même, à donner. Il est aussi question posée sur notre disponibilité à suivre jusqu’au bout ce Christ qui, comme la pauvre veuve, a tout donné.

A n’en pas douter, comme à Jérusalem Jésus assis devant la porte du Temple, dans ce va-et-vient incessant a remarqué le beau geste de cette pauvre femme, de même à Lourdes nous aurons sans doute remarqué mille petits gestes d’humanité et de fraternité, d’entraide. Car à Lourdes c’est aussi ce qui est le moins affiché qui est le plus remarquable. A Lourdes, chacun est quelqu’un, quel que soit son grade social ou ecclésial. Chacun(e) est une personne accueillie, entourée, écoutée, accompagnée, respectée, considérée… Or cet esprit partagé a sa source dans le regard de Marie sur Bernadette qu’elle vouvoie et à qui elle donne une Mission de confiance. Parce qu’elle est une « Personne ».

Comme à Jérusalem où Jésus ce jour-là a fait du geste de cette femme un enseignement sur la vraie valeur des actes, à Lourdes ce sont aussi les gens malades, démunis, dépouillés, qui donnent la clé du Message délivré…

Mais par-dessus tout, ce qui touche au plus profond des cœurs, c’est l’attention et la délicatesse dont sont entourés les souffrants et les blessés de la vie. Et cette charité en actions et en gestes se passe de mots. Elle est modeste, humble, dans l’ombre, oui, elle pourrait passer inaperçue, cette charité des hospitaliers qui se manifeste en mille petits gestes ! Elle devient par elle-même un langage et un Message de foi et d’amour.

Puissions-nous, frères et sœurs, être de ces hommes et femmes qui se laissent enseigner par ce qu’ils regardent et qu’ils comprennent, et qui, du Christ et de ceux et celles qu’Il leur a donnés comme frères et sœurs, apprennent à donner, jusqu’à tout donner, jusqu’à se donner.

Amen.

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