Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les billets du Père Lucien Marguet
Archives
Newsletter
25 novembre 2021

Saint Eloi

 

 

Dans cette partie du globe où nous habitons et travaillons, il y a quatre saisons bien distinctes ayant chacune leur rôle et leurs caractéristiques. Agriculteurs et éleveurs, et même artisans électriciens, chauffagistes et autres de nos villages, les saisons commandent nos travaux. En effet, les diverses séquences de l'année sont marquées pour nous par des activités différentes. Certaines nous voient plus dehors, dans les champs ou dans les stabulations, dans les écuries, et d'autres nous voient demeurer à l'intérieur des maisons, à réfléchir seul ou à plusieurs, à dresser des bilans, élaborer des projets. Ce temps chez soi, c'est bien sûr celui qui est consacré à la vie du couple, à celle de la famille et au renforcement des liens avec les amis. Nous sentons que ces deux pôles de notre vie sont également importants et nourrissants pour chacun de nous. Nous devons faire face aux difficultés et aux nécessités de notre profession d'éleveur et d'agriculteur, si possible d'une façon ajustée à la modernité, et en même temps nous nous sentons fortement appelés à être des parents présents et performants pour nos enfants, tant au point de vue de leur scolarité que de celui de leur accompagnement personnel. Nous sommes tous convaincus que la réussite d'une vie et le bonheur qu'on y trouve sont dans l'équilibre des deux pôles d'investissement : la profession d'une part, le couple et la famille d'autre part.

J'aurais pu ajouter pour certains le pôle des engagements, soit communal, soit syndical, soit associatif ou coopératif. Il est des périodes dans l'année qui invitent à vérifier si nous tenons bien le cap et tenons bien la barre d'une vie qui s'investit d'une façon raisonnable et maîtrisée dans la profession, la famille et la société. Nous avons tous conscience que les professions d'agriculteur et d'éleveur, tout en nous confiant de belles missions reposant sur nos capacités et nos responsabilités, ne nous font pas perdre de vue que nous sommes dépendants et parfois à la merci des aléas climatiques et des variations dans les saisons. Cette expérience permanente de devoir compter avec la Nature à la fois nous rend humbles et nous oblige à inventer des parades techniques, et pourquoi pas à diversifier nos méthodes culturales, à élargir nos activités à de nouvelles niches. Ainsi, alors que nos métiers peuvent apparaître répétitifs à qui ne les connaît guère de l'intérieur, ils réclament en réalité des talents d'invention et d'adaptation continuelle.

Il est vrai que lorsque de lourds avatars surviennent, on est tellement investi, pour ne pas dire tellement en osmose avec notre travail, que ce qui nous arrive peut nous ébranler, voire nous démolir intérieurement. Véritable séisme comparable à un tsunami destructeur, l'obligation d'abattre un troupeau que l'on a sélectionné, développé, et auquel on s'est attaché introduit le doute sur soi et peut faire imploser tous les projets qui faisaient notre légitime fierté. Si les professions d'agriculteur et d'éleveur demandent beaucoup d'implication personnelle, il faut sans doute à celles et ceux qui les incarnent s'efforcer de ne pas s'identifier trop à elles sous peine d'être gravement atteints lorsque de telles turbulences dramatiques viennent à se produire sans prévenir, et avoir quelque moyen de les enrayer !

Comment alors ne pas souligner l'importance de la solidarité familiale, mais aussi professionnelle et communale ? Un agriculteur qui a un accident, les collègues s'organisent pour lui assurer le travail dans les champs ; s'il faut à un éleveur abattre son troupeau, des petits mots d'amitié, des services d'entraide dans le village s'expriment… Le blé, le lait, les produits de la terre subissent des variations de prix injustes au regard du travail fourni, alors on se fait entendre à travers les instances coopératives et syndicales puisqu'il en va d'une question de justice et de survie pour les plus vulnérables.

Pour se préparer et se fortifier face aux coups durs de la vie, revers et échecs dans la profession que l'on exerce avec l'implication de ses tripes, de la maladie qui survient brutalement, des dissensions familiales que les événements de l'existence peuvent développer, il faut à chacun, en soi, prévoir des amortisseurs qui permettent d'absorber les ondes de choc que génèrent les séismes et tornades de la vie. Ces amortisseurs, ces "silent blocs", ce peut être une capacité exercée à la résilience, à réfléchir, discerner, analyser, à ne jamais parler ou décider sans avoir pris assez de recul et de distance. En évitant toute posture aigrie et repli sur soi qui pousse à s'isoler. Mais aujourd'hui c'est la fête, et le moment est à la joie et à la convivialité.

Saint Eloi est le patron des orfèvres, des forgerons et des travailleurs de la terre dont les outils sont en métal, comme la charrue… Prions ce saint Patron afin que nous soyons solides et fiers dans les belles professions que nous exerçons.

Publicité
Publicité
Commentaires
Les billets du Père Lucien Marguet
Publicité
Les billets du Père Lucien Marguet
Publicité