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Les billets du Père Lucien Marguet
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14 juillet 2022

15ème Dimanche (Année C)

10 juillet 2022

 

Il est heureux que les textes bibliques que nous allons entendre ce dimanche nous invitent à réfléchir sur notre façon de « vivre ensemble ». La parabole dite du « Bon Samaritain » nous lance un appel : soyez fraternels et pas seulement justes !

 

Deutéronome 30 10-14c - Colossiens 1 15-20 - Luc 10 38-42

 Scribes, pharisiens, docteurs de la loi, sont très attachés aux règles et principes du judaïsme. Sans les remettre en cause, Jésus donne priorité à l'esprit sur la lettre. De fait, appliquée d'une façon formelle, aveugle, sans discernement, une loi risque toujours de perdre son sens originel, pour lequel elle a été créée. "Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat". Une loi ressemble à un échafaudage qui permet de construire, elle permet de vivre d'une façon ordonnée. Que serait un fleuve sans ses berges pour orienter son courant, une route sans un code pour y rouler, sans des panneaux de signalisation, d’information, pour réguler le flux des véhicules ? 

Dans cette conversation rapportée aujourd'hui par St Luc, ce docteur de la loi et Jésus tombent assez vite d'accord sur la façon d'avoir part à la vie éternelle. "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même". Cette loi fondement tirée du Deutéronome. Jésus lui dit : "Tu as bien répondu, fais ainsi et tu auras la vie". "Mais qui est mon prochain ?", questionne le docteur. 

Et c'est bien le sens du mot "prochain" qui est au cœur de cette parabole. Que met Jésus sous ce mot "prochain" ? En effet le prochain, à l'inverse du frère auquel on est relié par une relation naturelle, est une notion relative qui a varié au fil des époques bibliques. En Israël, les païens n'étaient pas considérés comme des prochains, mais après l'expérience douloureuse de l'exil et chez les Juifs de la diaspora se fait jour la conviction forte que le prochain, qu'il faut aimer, c'est autrui, qu'il soit ou non un frère, qu'il soit ou non juif. Quand le docteur de la loi demande à Jésus : "Qui est mon prochain ?", il est probable qu'il avait en tête la conception juive "étroite" du prochain. 

Jésus va opérer une transformation radicale de cette notion de prochain : il retourne la question de son interlocuteur, en montrant que ce n'est pas à nous de décider qui est notre prochain et qui nous devons secourir, mais que c'est à nous de devenir le prochain de l'autre, quel qu'il soit. Jésus ira même jusqu'à enseigner l'amour des ennemis (Mt 5 45). Il ne s'agit donc pas de savoir qui est notre prochain, mais de se faire proche soi-même (de s'approcher) : "Va et toi aussi fais de même". Cette proximité, le prêtre et le lévite ne l'ont pas eue par crainte d'être souillés et parce qu'ils avaient une conception restrictive du prochain. Seul un Samaritain, étranger, en voyage, se montre libre et capable d'accomplir des gestes sauveurs en cette situation d'urgence. Il se montre même très réactif. Il accepte de consacrer du temps pour un inconnu. Il prend des mesures auprès de l'aubergiste pour assurer le plus long terme. "Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai". Pas seulement le coup de cœur au présent, mais pour l'avenir, dans la durée. 

Ainsi, la loi telle que Jésus la résume consiste en un double amour : l'amour de Dieu qui est inséparable de l'amour d'autrui. L'essentiel de la loi d'amour, telle que Jésus l'a prêchée, était déjà dans l'Ancien Testament, mais souvent réservée au Peuple d'Israël. Jésus l'a universalisée. Cette parabole du Bon Samaritain nous oblige à dépasser toute frontière d'ethnie, de milieu social, de culture et même de famille ! Souvenons-nous de la remarque de Jésus un jour que lui était signalée la présence de sa famille. "Qui sont mon Père, ma mère, mes frères... ce sont ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux". 

L'altérité est décidément un principe fondateur de saine relation qu'il faut savoir garder même au sein de la famille si l'on veut demeurer libre et disponible, prêt à être proclamé prochain de tout autre. Ainsi celui que Jésus nous donne en modèle à imiter est un Samaritain, objet de méfiance sociale et de haine religieuse. "Je ne suis pas venu abolir la loi de Moïse, mais l'accomplir". "Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat". Et Jésus a parfois guéri le jour du Sabbat le malade dont la vie le faisait le prochain. 

Comment ne pas souligner que ce qui vient d'être dit d'une aide individuelle peut être étendu à toutes sortes d'institutions de solidarité telles la Sécurité Sociale, les Assedic, les allocations familiales, les caisses de retraite, qui sont la marque d'une société avancée et même le signe d'une civilisation humaniste ancrée dans la tradition chrétienne. Malgré les dérives et débordements possibles et souvent dénoncés, elles signifient un progrès du lien social et de la fraternité. Bien sûr, cette entraide sociale organisée ne doit surtout pas dispenser les citoyens et les chrétiens, à plus forte raison, de garder leurs yeux, leurs oreilles et leur cœur éveillés pour se faire le prochain de celui que le déroulement de la vie met sur leur route. Il peut être un couple en grande difficulté, un jeune qui cherche le sens de sa marche, une personne découragée, un vieillard accablé... Que d'occasions dans nos journées de nous faire "prochains" de personnes, de groupes qui ont besoin d'être accueillis, compris, écoutés, réconfortés, qui ont besoin de compassion. Selon la tradition, le Bon Samaritain, c'est l'image que nous avons de toi, ô Christ : toujours proche des gens que tu as rencontré, Juifs ou païens, malades ou bien portants, justes ou pécheurs... 

Moïse disait au peuple d'Israël : "Cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte... Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique".

"Voici le commandement nouveau : celui qui aime Dieu, qu'il aime aussi son frère", alléluia.

 

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