Changer de mentalité

L’Humanité actuelle est en train de comprendre qu’elle doit passer d’une mentalité de propriétaire qui use de tout à sa guise à une conception de gérant transitoire à qui sont confiés « pour un temps » savoir, pouvoir et avoir. Aucun humain n’est vraiment à l’origine du réel existant. Nul ne peut se déclarer propriétaire exclusif de la terre, de l’air, de la mer, et même des sciences dans lesquelles certains excellent ne peuvent se traduire en pouvoir dominant. 

Toute nation et tout citoyen du monde est invité à se détacher de cet instinct à posséder et instrumentaliser au nom de la liberté individuelle. A force de se considérer comme « propriétaire », l’être devient individualiste et même égoïste. Il ne pense plus qu’à ses intérêts, quitte à négliger ou piétiner ceux des autres. Il use de ce qu’il détient non comme de précieux moyens de servir, d’aider et d’élever, mais plutôt comme des moyens de s’imposer en paroles, en actes. Il n’exerce plus que des droits et rechigne à consentir à des devoirs. Cette attitude profonde d’accaparement est le ver dans la pomme, elle contribue à accroître les inégalités, les disparités blessantes, et elle réduit en miettes le lien social, elle fragilise le vivre ensemble. 

C’est pourquoi un peuple qui bâtit son avenir sur le droit absolu d’accumuler sans y ajouter le devoir de servir et de s’entre-tenir solidairement est, je le crois, en danger d’imploser. Ne faut-il pas ainsi changer de mentalité radicalement ? Si j’existe, ce n’est pas seulement pour moi. Si j’ai quelques facultés intellectuelles, si j’ai acquis quelques biens, créé un réseau de relations, fondé une famille, ce ne doit jamais être pour m’en considérer « propriétaire ». le « réel » ne devient jamais la possession exclusive de quiconque, mais seulement l’objet du gérant à qui le maître confie des responsabilités de gestion en son nom et au bénéfice de « tous » les humains. Dans cette perspective, le meilleur / le préférable n’est pas d’accaparer, d’accumuler et d’asseoir ainsi une puissance dominante, mais de transformer toute possession qui éloigne et divise en invitation à s’unir. 

Il est évident que l’argent joue un rôle prépondérant dans tout lieu de vie humaine. Par ce moyen d’échange, les mentalités sont encouragées à acheter et posséder. Peut-être qu’acquérir du matériel en commun entre agriculteurs, louer des instruments pour un temps au lieu de les acheter, se prêter des vêtements pour satisfaire aux nécessités de l’âge des enfants, tout cela va dans le sens du détachement, de la copropriété, de la coresponsabilité, et s’éloigne de l’individualisme forcené. 

Si peu que l’on se mette à la place de Dieu, créateur et initiateur de tout ce qui existe réellement dans l’univers, on s’aperçoit que la vie des humains n’est pas dans le chacun pour soi, dans le repli et dans la peur de l’autre parce qu’il est différent ou éloigné, inconnu, suspect. Si Dieu a « confié » la terre à Adam et Eve et à tous les habitants qui leur succèdent, ce n’est pas pour les voir se déguiser en maîtres absolus, en pilleurs résolus, mais plutôt en gérants avisés et prudents, en soignants sages et intelligents ! Jamais en propriétaires qui empoisonnent ce qui ne leur a été que confié en gérance, de génération en génération !