De la vie tribale à la fraternité universelle

Les sociétés autrefois monoculturelles, tribales, étaient tenues, pour durer, de se protéger et de conserver leurs caractéristiques particulières. Sur le qui-vive et sur la défensive, elles n'avaient que des rapports de force et d'opposition aux autres entités et visaient à s’en préserver afin de maintenir leur identité. On ne peut que constater aujourd'hui que la terre ne compte plus de région inexplorée, isolée ou prémunie d'influences externes. L'Humanité contemporaine, certes toujours définie par une pluralité d'origines et d'histoires, est confrontée à des choix face à la nécessité d’à la fois d'afficher ses particularités et ses identités propres et d'absorber ce qui l’enrichit dans la fréquentation et l’intégration de ce qui n'est pas elle-même ! Ainsi il n’est pas étonnant que ces liens nouveaux soient parfois conflictuels. Les phénomènes de « communautarisme » sont un des signes de cette nostalgie du groupe ancestral. 

Pour ne pas se laisser supplanter et absorber, et par fidélité et fierté pour sa culture originelle, un groupe humain peut résister à la pensée unique et à un mode de vie qui se déclarerait universel. La crainte de l'universel qui pourrait dériver vers l'uniformité pousse certains à s'affirmer plus que distincts, très différents, autonomes. On a parlé d’archipel, d’îlots désormais en contact permanent les uns avec les autres, se connaissant jusqu'à s’épier et se méfier, pour échapper à toute soumission et absorption. Ces sociétés autrefois très éloignées et aujourd'hui en proximité connaissent des tensions, voire des combats idéologiques et économiques. Aussi ces entités doivent-elles se résoudre à dialoguer, négocier, jusqu'à renoncer à dominer, et accepter de fusionner ou plutôt de s’associer en étant animées d'un esprit de liberté, de justice et de paix. On peut recourir à l'image des cours d'eau qui, en se faisant affluents, ajoutent de l’eau et augmentent le débit et la force de la rivière, qui à son tour va faire de même avec le fleuve qu'elle rejoint. Désormais l’humanité doit digérer sa qualification de pluralité culturelle et religieuse, elle n’y arrivera progressivement que par le dialogue et la concertation. 

On entend parfois décrire les sociétés comme éclatées. En réalité elles ne sont que des réceptacles qui les font bouillonner par le contact de courants venus d’endroits différents ! On peut souhaiter à ces sociétés la sagesse et la mesure pour demeurer maîtresses de ces défis inédits… Les gens qui rêveraient d’un retour au passé nationaliste et tribal en seront pour leurs frais, car désormais tous les êtres humains sont invités à prendre conscience qu'ils habitent une maison commune, avec la Nature et tous les vivants. Le message chrétien ajoute même qu’au lieu de se combattre et de tenter de se dominer et de soumettre les autres, les humains ont vocation et mission de se découvrir frères et sœurs, distincts et différents mais de la même famille universelle puisque tous et toutes aimés de Dieu leur Créateur et Père originel ! Ce que le pape François nomme la fraternité universelle…