Transfiguration...

Matthieu 17 ^1-9

 Jésus donne à vivre à trois de ses très proches - Pierre, Jacques et Jean - une expérience d'anticipation de ce qu'il deviendra au-delà de sa disparition terrestre. Cela se passe sur la montagne, lieu où Dieu descend et où l'homme s'élève. Jésus, homme et Dieu, est à la conjonction du temps, de l'espace et de l'Eternité illimitée. Moise et Elie, qui s'entretiennent avec Jésus, montrent que Jésus n'est plus sur terre, mais déjà revenu au ciel. Cette fin heureuse réjouit tellement les trois apôtres qu'ils suggèrent à Jésus de faire durer cet état de communion. La Transfiguration pré-figure le "Ressuscité"

Une voix vient de plus haut encore, qui signe l'auteur : "Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour. Ecoutez-le"…On ne peut s'empêcher de penser au chemin que Jésus va encore parcourir, son arrestation, son jugement, sa crucifixion. Dieu affirme par avance à ceux que ces événements vont désemparer et faire douter qu'ils ne changent rien au fait que Jésus est bien le Fils envoyé par Lui. Mais déjà il faut "redescendre" dans la réalité et poursuivre le chemin qui mène à Jérusalem. C'était comme une parenthèse visionnaire offerte par Jésus, homme mortel mais aussi voué à la vie éternelle.

 Nous sommes d'ailleurs, en particulier nous les croyants, invités à voir plus loin que le présent, à entendre plus que les paroles, à discerner plus que les apparences. Prenons l'exemple du baptême : ce sacrement témoigne que l'enfant n'a pas seulement reçu une vie temporelle à durée déterminée. Ce bébé a vocation à une vie immortelle et éternelle, la vie divine elle-même. Baptiser un enfant, c'est reconnaître cette vie et y souscrire. Cet enfant n'est pas seulement celui de ses parents, mais aussi celui de Dieu. Il est le fruit d'une cocréation.

Autre exemple, celui du mariage. Le mariage sacramentel, c'est croire que Dieu est mêlé à la promesse mutuelle d'un homme et d'une femme dans l'alliance qu'ils contractent. Leur amour ne vient pas seulement d'eux, il prend sa source en Dieu et a son aboutissement en Lui.

Dans la mort d'un être, je ne vois pas seulement le terme d'un itinéraire terrestre et temporel, mais la "transfiguration" en une vie éternelle qui s'épanouit pleinement.

 Heureusement d'ailleurs que nous avons cette faculté morale et spirituelle de nous "élever" spirituellement au-dessus des événements, dont certains pourraient nous "broyer" et nous anéantir en cours de route. Dans les moments les plus graves, le malade se voit déjà guéri, au cœur de conflits lourds et destructeurs les ennemis se voient dialoguer, se pardonner et se réconcilier. En pleine période de doute sur soi et d'évolution, un jeune peut faire une expérience de vrai bonheur et de vraie confiance en un avenir prometteur. Des parents parfois interrogatifs sur l'orientation de leur enfant peuvent, à la faveur d'une conversation intime ou d'un temps de proximité en vacances, percevoir et même découvrir leur enfant "autrement".

 Les trois disciples de Jésus avaient pourtant vécu à ses côtés trois années durant, mais ils ne le connaissaient, semble-t-il, pas vraiment. A plusieurs reprises Jésus avait évoqué ouvertement la survenue de sa mort prochaine dans des circonstances dramatiques. Pierre avait essayé d'inviter Jésus à prendre un chemin plus "convenable" au regard de l'idée qu'il se faisait du Messie. Ce qui allait se dérouler à Jérusalem allait constituer une dure épreuve pour ses disciples. La transfiguration leur donne à regarder plus haut et plus loin.

D'ailleurs, le grand bénéfice de la foi n'est-il pas de conserver le sens et l'horizon de l'aventure humaine même si les traces du chemin sont effacées, n'est-ce pas d'éviter d'être submergé par les vagues successives et terrassé par les vents contraires capables d'engloutir toute raison et goût de vivre ? L'Espérance elle-même n'est-elle pas anticipatrice par nature et ne "trans-figure"t-elle pas du dedans tout homme qui en est porteur ?