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Les billets du Père Lucien Marguet
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17 mars 2014

La "taille"...

Parmi tous les travaux saisonniers dans la vigne, celui de la "taille" est le plus long et le plus important puisque des choix judicieux de garder tel ou tel sarment dépendent la quantité et la qualité des grappes de raisin qui se formeront et feront l'abondance de la récolte. Tailler la vigne, c'est effectuer en permanence une sélection de sarments jugés sains et aptes à bénéficier au mieux de la sève nourricière. "On en élimine tellement que l'on se demande parfois si l'on n'a pas été trop cruel avec le sécateur", me dit ce jeune vigneron en confiant que c'est pour lui la période de l'année qu'il préfère.

 La taille est un véritable métier qui demande des compétences pour lesquelles tout ouvrier de la vigne reçoit une formation. Parmi tous les gestes de soutien à la vigne, celui de la taille est une belle allégorie de la vie humaine dans laquelle chacun(e) est appelé(e) à réfléchir, à ne choisir et ne garder que ce qui lui parait le meilleur. Tailler nous apprend que vivre c'est discerner, prendre un chemin et par conséquent renoncer à d'autres. Aux sarments conservés le vigneron donne toute sa confiance et la chance de produire des fruits en abondance. Ces grappes juteuses et généreuses récoltées à la vendange donneront raison au discernement et au bon jugement du tailleur. Elles justifieront sa peine, le temps et l'énergie dépensés dans ses vignes. On m'a dit que chaque pied de vigne est différent d'aspect et de capacité à produire. Un tailleur doit donc faire connaissance avec lui avant de favoriser tel ou tel de ses sarments. Il pose chaque fois à son endroit un acte de bienveillance et d'espérance !

 N'est-ce pas là l'image de ce qui se passe aussi dans le monde humain ? Certaines personnes apparaissent dotées de talents et de capacités potentielles, d'autres apparaissent plus modestes. Mais au bout du compte, comme pour la vigne qui offre tout ce qu'elle a produit au moment des vendanges, chaque être humain est invité à donner ce qu'il a et ce qu'il est. La taille, c'est aussi l'illustration de ce sage conseil qui recommande d'éviter, dans la conduite de notre vie, tout éparpillement, toujours dommageable. Vivre et progresser, c'est réfléchir, choisir, sélectionner et s'engager, tenir bon et s'en remettre au temps avec patience et persévérance. Dispersés, sur tous les fronts à la fois, nous serions tiraillés et nos fruits seraient maigres.

 Enfin, la taille c'est bien sûr aussi l'image de l'éducation. Eduquer, c'est transmettre les moyens et les repères pour choisir, se diriger progressivement, par soi-même, ne retenir pour essentiel que ce qui est profitable et enrichissant pour l'intelligence, le cœur, moralement et physiquement.

 Un professionnel de la taille m'a raconté que c'est un âne qui en a donné l'idée. Un vigneron était venu à sa vigne sur le dos de son âne. Tout occupé à ses travaux, cet homme ne voyait pas que son animal, entreprenant, broutait toute une rangée de ceps de la vigne. Quand il s'en aperçut, effrayé, il se dit qu'il ne récolterait rien aux vendanges. Or ce fut tout au contraire à cet endroit que les grappes furent les plus généreuses ! Là où l'âne avait mangé, là étaient les grains de raisin les plus nombreux. Ainsi naquit la légende selon laquelle c'est un âne qui a inventé la taille des vignes. Ce qui vaut à cet animal souvent critiqué la médaille d'honneur décernée aux "meilleurs tailleurs" des vignes de Champagne.

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