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Les billets du Père Lucien Marguet
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3 octobre 2020

Quelle « liberté » ?

 

A l’école primaire de mon village, l’instituteur, à l’esprit très « laïc », imprégné des lois de la République et conscient de ses devoirs d’enseignant et d’éducateur des citoyens en herbe que nous étions, nous a toujours dit qu’à tout le monde nous devions un respect permanent. Il ajoutait que nous ne devions pas nous moquer ou ironiser sur les gens différents, de race, de culture, de milieu social ou encore pratiquant une religion qui n’était pas la nôtre !

Ces principes moraux inculqués au sein d’une école de la République, je ne les ai pas seulement entendus et intégrés, je les ai toujours respectés et honorés avec le comportement verbal et écrit qu’ils supposent dans le quotidien de la vie. Je ne me suis jamais moqué des croyances animistes dont j’ai été témoin durant mes sept années passées dans les savanes du Nord-Cameroun, et pas plus des pratiques religieuses des musulmans fraîchement acquis à l’islam. Un jour, des lycéens musulmans m’ont même demandé des traductions de prières qu’ils étaient tenus de prononcer mais dont ils ne saisissaient pas bien le sens ! J’ai même favorisé la création d’un groupe interreligieux animiste, chrétien catholique, protestant, et musulman. Jamais je n’ai entendu de paroles caricaturales et encore moins vu de dessins pour tourner en dérision la pensée et plus encore l’attachement intime de « croyants » à tel ou tel prophète ou personnage religieux de l’histoire, ou les rituels, les gestes et les comportements qu’ils recommandent !

Aussi je n’ai jamais compris cette forme de liberté d’expression et de publication au nom de laquelle un journal, fut-il satirique, a de fait blessé certains de nos contemporains en faisant paraître des caricatures du prophète Mahomet. Je m’empresse de dire aussitôt que j’ai été scandalisé par ceux qui sont venus assassiner des journalistes sur leur lieu de travail, en prenant Dieu à témoin de leurs actes odieux. A-t-on le droit de tout dire, tout faire, au nom d’une liberté individuelle sans limite qui ignore et méprise la liberté et la dignité d’autrui ? Le riche, le tout-puissant est-il en droit, en raison de ses capacités, de ses pouvoirs, de disqualifier et discréditer sans restriction les petits, les pauvres, les sans-grade, au nom de la liberté qui ouvre à tous les droits de se comporter ? L’Etat puissant peut-il anéantir ou annexer un pays vulnérable ? Au nom de la liberté d’entreprendre, dans une économie ultralibérale basée sur le profit et la performance, la compétition productive et commerciale, une entreprise peut-elle faire disparaître ou absorber une entité rivale ?

Non, la liberté qui se vante d’être individuelle ne détient pas tous les droits de dire ou de faire, de se comporter moralement et socialement comme elle veut. Quand j’entends une personne se prononcer pour la liberté d’avorter ou le droit sans réserve à l’euthanasie, puisque chacun(e) a le droit de disposer sans limite de son corps, quand j’entends revendiquer le droit à la liberté de tout publier sur les autres sans restriction ni évaluation des répercussions sur les gens ou les groupes visés, alors je me souviens de l’instituteur et du curé de mon village, qui m’ont enseigné le contenu de la vraie liberté que l’on qualifie d’humaniste et d’universelle !

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