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Les billets du Père Lucien Marguet
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27 juillet 2022

18ème Dimanche du temps ordinaire (Année C)

Messe de fête à Minaucourt

31 juillet 2022

Qohelet 1 2 2 21-23 - Col 3 1-11 - Luc 12 13-21

 

Les trois textes que nous venons d'entendre délivrent un message convergent : passer son temps et dépenser son énergie à amasser des biens matériels sans penser à la suite n'est pas un bon calcul ! "Un homme s'est donné de la peine… Il est avisé, il s'y connaissait, il a réussi… Et voilà qu'il doit laisser son bien à quelqu'un qui ne s'est donné aucune peine… cela aussi est vanité", nous a dit le livre de Qohelet en 1ère lecture. Saint Paul, lui, écrit aux Colossiens : "Pensez aux réalités d'en haut, non à celles de la terre… Faites donc mourir en vous ce qui n'appartient qu'à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder qui est une idolâtrie". L'Evangile de saint Luc, lui aussi dans la même ligne, écrit : "Gardez-vous bien de toute avidité car la vie de quelqu'un, même dans l'abondance, ne dépend pas de ce qu'il possède". 

Réfléchissons quelques instants sur cette tendance que nous avons sans doute tous à devenir propriétaires de ce que nous faisons, gagnons et amassons. Cette mentalité n'est-elle pas répandue en humanité qui consiste à détenir les choses, les biens, à acquérir toujours plus dans le but souvent inavoué et même non conscient de se munir de sécurité et d'assurance face à son propre avenir et à celui de sa descendance. L'excès peut aller jusqu'à accumuler des biens dont on s'encombre et craint de les perdre ! Alors que l'on recherche une forme de liberté dans la propriété, on y perd parfois sa tranquillité d'esprit et la liberté par le détachement.

A force de se laisser lier aux biens matériels que l'on possède, ne risque-t-on pas d'être capturés par eux ? Le propriétaire devient alors la propriété des biens qu'il possède et gère. Il se retrouve captif, et cela le prive du temps nécessaire pour réfléchir à la suite de sa vie où il ne pourra plus se prévaloir de ses droits de propriétaire. S'il est ruiné, s'il tombe gravement malade, quand il mourra, que sera-t-il devenu s'il a toujours considéré la terre comme son seul lieu de vie possible ? 

"Mais Dieu lui dit : 'tu es fou. Cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l'aura ?' Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu", nous a dit saint Luc il y a un instant dans son Evangile. Certains vont me faire remarquer que cela ne s'adresse qu'aux riches qui possèdent de grands biens et des fortunes ! En réalité, le message de ces textes n'est-il pas aussi destiné à ceux et celles qui diffusent leurs idées à la façon dont les propriétaires parlent de leurs terres, de leurs greniers, de leur maison, en s'identifiant aux convictions qu'ils ont ! Et ces croyants qui parlent de Dieu comme s'ils en étaient les propriétaires, les porte-parole patentés ! Il manque à ces gens de distinguer qui possède et ce qui est possédé. L'attitude spirituelle à laquelle chacun de nous est convié est d'apprendre à se désapproprier tout en possédant ! Car les biens matériels, les biens intellectuels sont précieux quand ils sont mis à disposition pour développer, progresser en humanité, quand ils sont mis au service de la vie, toute vie et tout de la vie. 

Après deux ans de pandémie et toutes les restrictions qu'elle nous a imposées, nous avons senti un grand enthousiasme pour rattraper le retard pris dans les célébrations des fêtes, des anniversaires, des baptêmes, des mariages et même des entrées dans la vie active… C'est une façon de nous redire que toutes les sociétés, l'histoire l’atteste, ont besoin de ces parenthèses que sont les fêtes. 

Depuis toujours dans les religions antiques, telle l'animisme, il existait déjà des cérémonies festives pour remercier les dieux, ou Dieu lui-même, pour avoir protégé et ravitaillé les populations. L'Eglise catholique ayant donné à chaque paroisse un patron chargé à la fois de veiller sur les habitants et de les guider, encourageait ceux-ci à venir le fêter et le remercier au moins une fois dans l'année. Ce que nombre de villages et de diocèses font encore. Je pense à saint Remi, vénéré comme saint patron dans le diocèse de Reims. Mais aussi à saint Christophe prié par les voyageurs, et bien sûr à saint Eloi prié par les agriculteurs, les éleveurs et les artisans du fer et du verre. Or retrouver le sens et le goût de la fête communale et rurale correspond à un besoin de souffler, de partager l'amitié en se réunissant, sans viser aucun projet économique et financier ni d'aucune utilité, seulement pour la gratuité et l'expression de notre gratitude. 

Je ne sais pas si vous ressentez comme moi que notre époque n'est pas assez dans une attitude habituelle de dire « merci ». On entend plus de réclamations des dûs et des droits que de mercis pour ce que l'on obtient en moyens de vivre ! Même en famille, en couple, entre enfants vis-à-vis des parents, la gratitude souriante est-elle assez spontanée ? Même en Eglise, l'action de grâce et la contemplation ne sont-elles pas largement supplantées par des demandes intempestives jusqu'à douter de Dieu quand elles ne sont pas exécutées par Lui selon les souhaits exprimés ! Ainsi il me semble qu’honorer au moins une fois dans l'année le saint patron de l'église du village est une tradition à conserver, même si le déroulement de cette fête peut prendre des apparences différentes selon les villages où elle est par bonheur conservée ! 

Bien sûr beaucoup d'autres occasions existent dans une commune de se croiser, de se parler là où le tissu associatif, sportif, syndical, professionnel est développé. La fête du saint patron est l'occasion de reconnaître la place de Dieu dans nos vies personnelles et familiales. Les obsèques religieuses montrent d'ailleurs souvent que, croyants fervents ou tièdes, nous avons la même importance aux yeux de Dieu, Père de toute l'Humanité. Il n'est pas de préférence ni d'exclusion en Dieu, juste et accueillant à tous ! Une fête de village, c'est donc la bonne occasion de dire merci à Dieu et en famille aux proches, aux concitoyens du village, pour les jeunes vis-à-vis des aînés et pour ceux-ci aux générations qui viennent prendre la suite. 

Pour modérer un peu les critiques que j'exprime sur la société ingrate, je citerai un exemple qui illustre le contraire et que la télévision rapporte. Un conducteur est venu avec sa voiture Peugeot, dont le compteur allait attendre 1 million de kilomètres, remercier les ouvriers de l'usine où elle avait été montée de leur compétence et du bon résultat de leur travail ardent. Je pense aussi aux « merci » prononcés par les réfugiés ukrainiens. Nous inviter à dire plus souvent merci, c'est pour ainsi dire nous appeler à savoir contempler ce qui est bien, beau, bon, juste, lumineux et généreux dans la vie de celles et ceux que nous côtoyons, mais aussi dans la Nature et dans les événements du Monde… N'est-ce pas d'ailleurs ce que nous faisons dans toute Eucharistie célébrée, expression qui veut dire : merci, merci à Dieu, merci à Lui de ce qu'il est pour chacun et chacune de nous ?

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