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Les billets du Père Lucien Marguet
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6 août 2022

Fête des moissons

7 août 2022 à Saint-Walfroy

 

Dans les temps très anciens, les populations se nourrissaient de la chasse du gibier et de la cueillette des fruits sauvages. La religion de ces peuples leur faisait prendre conscience du fait qu’ils dépendaient entièrement de leur soumission aux dieux. D’où leur besoin de les façonner, comme la déesse Arduina sur cette colline St-Walfroy au 6ème siècle.

A notre époque, en raison de ses connaissances toujours plus grandes, l’homme moderne a acquis la prétention de ne jamais avoir besoin de recours à des divinités, à la religion. Il pense avoir toutes les capacités pour trouver des solutions à ses problèmes. Aussi une messe pour donner le coup d’envoi d’une « fête des moissons », c’est faire une démarche de gratitude envers Dieu. Eucharistie, en grec, signifie d’ailleurs « dire merci », avec cette différence, avec les religions anciennes, que dire merci à Dieu, ce n’est surtout pas donner une lettre de démission de nos responsabilités humaines. Bien au contraire, Dieu nous réitère dans notre dignité, dans notre liberté, et nous redonne le courage et la force de les assumer avec confiance !

Il commence par nous pardonner nos erreurs et nos fautes, nos dérapages, nos excès et nos sorties de route. Accueillons ce Pardon de Dieu. 

 * * * * * 

 

La Terre, en réalité, n’est la propriété de personne. Elle est la maison de tous. De tous les humains, mais aussi de toutes les espèces d’animaux, d’oiseaux, d’insectes, en un mot des vivants. Sachant cela, nous devons avec raison mesurer l’impact et les conséquences durables de ce que nous choisissons et faisons. Nous n’avons pas seulement à gérer le présent, mais aussi en partie l’avenir pour ce qu’il dépend de nous. 

La Terre, nous la recevons, elle nous est confiée en gestion. La Terre est une planète à taille modeste au milieu d’astres par myriades. Terre des plaines fertiles. Terres escarpées des montagnes. Terres herbagères où broutent les troupeaux d’animaux domestiques. Terres des savanes où se camouflent les bêtes sauvages. Terres où se dressent des forêts aux arbres de toutes espèces. Terres que le soleil inonde de ses rayons lumineux et bénéfiques. Terres angoissantes de rocailles et de sables des déserts arides. Terres inhospitalières. Paysans sans terres ici et là sur le vaste globe. Terre sans pluie et terre submergée d’eau. Terre reçue en héritage et terre achetée à prix d’or. Terre pauvre, pouilleuse, maigre, et terre riche, en jachère, délaissée. Terres d’un pays envahi, meurtri par les guerres, criblé de tranchées et d’engins meurtriers. Terres d’un pays fatigué et blessé dans la reconquête de sa liberté et de son intégrité. Terrain à bâtir, terrain réservé pour y être « enterré », tel un grain de blé enfoui. 

Pour les herbagers à longueur d’année occupés et parfois préoccupés, pour les éleveurs et les agriculteurs, la terre est la source de vie, leur outil principal. Que de labeur, de courage, de veille et d’éveil, que de soucis et de démarches, que de temps passé dans les étables, les écuries, les prairies et les champs, sur les tracteurs, pour composer sans cesse avec les bienfaits et les aléas des saisons, les maladies et les épidémies qui menacent les troupeaux. En contact permanent avec la Nature, les éleveurs et les agriculteurs se font une philosophie de la vie. Ils savent d’expérience que l’on ne peut impunément exploiter, user la terre jusqu’à l’épuiser, mais que le meilleur chemin est d’en prendre soin, de composer avec elle, d’en faire une alliée. 

Car la terre se veut une alliée de l’homme et de l’humanité. Elle consent à être sollicitée selon des normes raisonnables, car elle sait que sa mission est de faire fructifier et d’offrir les moyens de se nourrir et de vivre aux vivants et à celles et ceux qui sont chargés de les commercialiser et de les diffuser. 

Comment enfin ne pas souligner et apprécier, valoriser, toutes les initiatives positives qui développent les liens de solidarité et de fraternité dans le monde rural ? Actes individuels d’entraide mutuelle, matériel acheté en commun, coopératives d’achat et de vente, syndicats de défense et de propositions, associations sportives, musicales, de loisirs, d’apprentissages : informatique, langues étrangères, soutien scolaire… La terre est aussi au service de ce « bien-vivre ensemble » rural. 

A travers la fête des "Moissons", c'est en tout premier lieu la "terre" et le "terroir" que nous honorons. La terre nourricière qui donne tout d'elle-même depuis si longtemps et fait vivre tant de gens ! Elle mérite notre plus grand respect puisqu'elle est notre alliée. Nous la traitons avec soin pour ne pas la fatiguer et l'user. La terre nous a été confiée par héritage ou nous l'avons acquise, et nous devrons un jour la quitter et la transmettre pour que d'autres y gagnent les moyens de vivre et bénéficient à leur tour de ses prodigieux services. 

La fête des Moissons, c'est prononcer ensemble un grand merci au Créateur de la Nature, de l'univers, du ciel et de la terre, c'est aussi contempler le labeur des femmes et des hommes, agriculteurs, éleveurs, vachers et bergers, laitiers, tous accoucheurs de vie qu'offre la Terre nourrice. Que de métiers à énumérer et honorer dans ces contrées rurales, herbagères et céréalières, animalières et laitières. Ces activités en rapport à la terre ont évolué vers plus de technicité et de rationalité. Des normes ressenties comme contraignantes et même superflues sont apparues. La rémunération tirée de la vente du lait et de la viande est souvent distancée par le coût excessif des nécessaires adaptations techniques et du matériel agricole, ainsi que du suivi sanitaire. 

L'aventure humaine est magnifique, elle peut traverser des périodes problématiques, voire dramatiques. A chacun il nous revient de prendre notre part pour chercher avec d'autres des solutions pour que ce que l'on qualifie peut-être trop facilement de "progrès" le soit vraiment, en particulier pour que l'Humain et les possibilités de l'être réellement soient envisageables et réalisables par tous. Il faudra toujours, pour qu'une société, en particulier rurale, soit viable et vivable, des laboureurs, des semeurs, des moissonneurs, des vachers, des bergers, mais aussi des soignants, des enseignants et tant d'autres professions de services compétents, ainsi que des croyants en Dieu pour rappeler que nous formons ensemble une même famille humaine, pour nous rappeler aussi que nos chemins, pour autant qu'ils soient différents, avancent dans le même sens et aboutissent au même lieu qu'est la vie en Dieu. Car, nous le savons, "l'homme ne vit pas seulement de pain", mais de la vie de Dieu, non seulement dans le temps mais un jour dans l'Eternité…

 

 

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