Les fusillés à la Forge de Senuc

Samedi 27 août 2022

Isaïe 9 ^1-4 - Jean 12 ^24-26

En étant fidèles chaque année à ce moment de recueillement et de prière, nous ne faisons pas qu’honorer le souvenir des fusillés à la Forge, nous approuvons le choix qu’ils ont fait de résister à l’idée d’une Nation qui renoncerait à son identité et à sa liberté. Résister, ce n’est pas seulement « être contre », c’est surtout un acte d’espérance qu’une alternative à la soumission est possible et peut générer du préférable pour soi et pour tous. 

Or, résister c’est adopter un comportement de prophète. Isaïe, comme tant d’autres prophètes que la Bible nous donne de fréquenter, va à l’encontre des sentiments défaitistes qui gagnaient le cœur du Peuple hébreu lors de ses exils ou de ses déportations. Il n’est jamais de fatalité inéluctable ! « Car le joug qui pesait sur lui, la barre qui meurtrissait son épaule, le bâton du tyran, tu les as brisés comme au jour de Madiane ». Résister, dire « non » en actes, c’est refuser la menace, la peur, le désespoir, c’est en même temps s’engager à contribuer à édifier la paix dans la liberté et la justice. Résister, c’est dire non à la soumission servile sous la contrainte, c’est demeurer debout et mobilisé contre toutes les formes de renoncement aux valeurs humaines cardinales et universelles. 

Or ce choix de résister, nous en sommes conscients, est toujours d’actualité. Dans le contexte de l’Europe, comment oublier la guerre en Ukraine ? Mais aussi dans la vie quotidienne ordinaire, ne sommes-nous pas attelés à bien choisir en écartant toutes les fausses libertés et les multiples tentatives qui essaient de nous soumettre à des modes de pensée unique et verrouillée, de nous imposer des modes et des vogues ? Sans revêtir en priorité l’habit du résistant zélote contre l’occupant romain, Jésus entend manifester au moins à distance son opinion : « Rendez à César ce qui est à l’empereur et à Dieu ce qui lui revient. » Mais sa condamnation à mort, on peut le constater dans ses trois ans de vie active, a été décidée pour des raisons d’interprétation religieuse et d’influence grandissante dans les synagogues. En effet, sur la doctrine religieuse juive, Jésus a résisté à certaines convictions en cours et il s’est permis d’en donner des alternatives. Je pense à sa façon d’interpréter les lois, par exemple celle du sabbat : « L’homme n’est pas fait pour la loi, mais celle-ci l’est pour la vie de l’homme. » Au lieu d’une loi de soumission, Jésus proposait une foi de libération, au lieu d’une pratique de rites, de conformité externe, Jésus proposait une adhésion intérieure, libre et responsable, assumée volontairement. Il ne disait plus « œil pour œil, dent pour dent », il invitait au pardon de ses pires ennemis. Il parlait de Dieu comme d’un intime qu’il qualifiait de Père. Il n’en fallait pas plus pour dresser la liste des griefs religieux qui lui ont été reprochés et qui ont été considérés comme les motifs de sa crucifixion. 

Jésus, résistant à une religion hermétique et exclusive, va mourir en héraut d’une religion ouverte à tous et universelle que chaque être humain est appelé à reproduire dans sa propre vie en prenant celle de Jésus pour « chemin, vérité et vie ». Les résistants de Lançon fusillés en ce lieu dit de La Forge à Senuc ne sont pas morts pour rien. Avec tant d’autres et sous la conduite du plus prestigieux d’entre eux, le Général de Gaulle, ils ont accepté de se mettre en péril pour contribuer à sauver le Pays de France. 

Bien avant d’offrir sa vie au Golgotha, Jésus avait dit ces paroles d’Espérance que nous a transmises l’évangile de Jean : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »

Rendons grâce à Dieu et à ceux qui ont offert leur vie pour notre liberté et pour la Paix. Amen.