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Les billets du Père Lucien Marguet
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20 novembre 2023

Jésus a porté nos souffrances...

 

Je ne veux dire que quelques mots à propos du récit de la Passion de Jésus. Il ne faut pas y voir une valorisation de la souffrance. Car Jésus a combattu toute sa vie durant toutes les souffrances endurées par tant de gens rencontrés. Les souffrances endurées par le Christ et décrites de façon si violente et dégradante ne doivent pas nous laisser penser que ce sont les souffrances du Christ qui ont sauvé le Monde. Jésus sauve par sa liberté, son amour, la vérité, et aucune menace, aucun chantage, ne l'ont fait dévier de son chemin d'humanité. La souffrance en elle-même n'est pas rédemptrice. 

"Ce qui sauve, c'est l'amour uniquement. Depuis des siècles, une équivoque a exercé des ravages et a éloigné des multitudes de la foi dans le Christ. Elle consiste dans l'idée que la souffrance de Jésus possèderait en elle-même une valeur salvifique. Autrement dit, Dieu le Père en aurait eu besoin, donc il y aurait eu en lui une certaine complicité avec la violence exercée contre son Fils unique. 

Il est presque suffisant de formuler cette thèse clairement pour s'apercevoir qu'elle est non seulement fausse, mais blasphématoire. Si Dieu ne désire même pas la souffrance et la mort des méchants (Ezéchiel 33, 11), comment pourrait-il prendre plaisir à celle de son Fils bien aimé, l'innocent par excellence ? Bien au contraire, il faut oser redire sans cesse que la souffrance en tant que telle n'a aucun prix aux yeux de Dieu. Plus encore, dans la mesure où elle abîme ce qui est vivant, la douleur est en contradiction absolue avec un Dieu bon qui veut pour tous la vie en plénitude (Jean 10, 10). 

D'où vient alors cette équivoque ? Entre autres, d'une lecture trop superficielle des textes bibliques qui sont en fait des raccourcis. Dans une telle lecture, le moyen terme est escamoté. Ce moyen terme est précisément l'amour. Car ce qui peut donner la vie, ce qui nous sauve, c'est uniquement l'amour. Si la souffrance n'a aucune valeur en soi, étant même le plus souvent destructrice, il arrive des moments où, pour rester fidèle à un amour, on est amené à porter une souffrance incompréhensible. Or les textes du Nouveau Testament, qui semblent exalter la souffrance, célèbrent en réalité l'amour de Dieu, qui va jusqu'au don total de soi en faveur de l'être aimé. St Jean nous le rappelle en toutes lettres : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis" (Jn 15, 13). Dans la phrase "Le Christ a souffert pour vous (1 Pierre 2, 21), par exemple, c'est le "pour vous" qui exprime le moyen terme, la présence de l'amour." 

(Extrait de la lettre de Taizé de mars 2004) 

Certes souffrir permet souvent d'être plus ouvert et de comprendre mieux les pauvres et les blessés, de redécouvrir l'essentiel, d'être plus humble. Le feu de la forge rend plus souple le fer pour le forger. Mais la souffrance et la mort ne sont jamais un but. Jésus sauve dès le début de son incarnation à Bethléem, pendant ses 30 ans de vécu humain à Nazareth et aussi ses 3 ans de vie publique durant lesquels il a agi, réagi, parlé, conseillé, guéri, annoncé son Père et le Royaume, et l'humain devenu possible avec lui. En lisant la Passion, il ne faut pas en conclure que Jésus n'a sauvé que par sa Passion. Sa mort, en réalité, achève un parcours où il n'a jamais cessé de servir et donner sa vie. En vivant pleinement la condition humaine dans tous ses aspects, certes y compris les drames et la souffrance, Jésus trace un chemin sûr, de vie et de progrès. Un chemin que chacun peut emprunter. D'ailleurs les Apôtres avaient bien du mal à admettre que Jésus évoque devant eux les souffrances, le jugement et la mort qu'il lui faudrait endurer. 

En assumant son humanité d'un bout à l'autre de son existence dans l'Amour, Jésus nous assure le passage de la vie terrestre à la vie éternelle. Ce qu'il nous faut voir en Jésus, c'est la logique de l'Amour du cœur de Dieu au retour à Dieu. Toute l'existence terrestre de Jésus est un chemin de mort et de résurrection.

Jésus n'a pas surplombé les souffrances de l'Humanité. Il n'a pas tant compati, donné des conseils, ni même donné son point de vue pour les expliquer. Il les a assumées dans la chair, l'esprit et le cœur de sa propre vie. Il a porté nos souffrances. Il n'était pas venu avec l'idée de les éviter, mais au contraire de vivre intensément la condition humaine, y compris dans ce qu'elle a de plus horrible, de plus pénible et de plus radical. Isaïe le prophète a une page lumineuse de vérité sur ce serviteur souffrant (Isaïe 53 1-12). 

Qui aurait cru ce que nous avons entendu ? A  qui la puissance du Seigneur a-t-elle été ainsi révélée ? Devant Dieu, le serviteur a poussé comme une plante chétive, enracinée dans une terre aride. Il n'était ni beau ni brillant pour attirer nos regards, son extérieur n'avait rien pour nous plaire. Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ; et nous l'avons méprisé, compté pour rien.

Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivait son propre chemin. Mais le Seigneur a fait retomber sur lui nos fautes à nous tous.

Maltraité, il s'humilie, il n'ouvre pas la bouche : comme un agneau conduit à l'abattoir, comme une brebis muette devant les tondeurs, il n'ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé. Qui donc s'est soucié de son destin ? Il a été retranché de la terre des vivants, frappé à cause des péchés de son peuple. On l'a enterré avec les mécréants, son tombeau est avec ceux des enrichis; et pourtant il n'a jamais commis l'injustice, ni proféré le mensonge. Broyé par la souffrance, il a plu au Seigneur. Mais, s'il fait de sa vie un sacrifice d'expiation, il verra sa descendance, il prolongera ses jours : par lui s'accomplira la volonté du Seigneur. A cause de ses souffrances, il verra la lumière, il sera comblé. Parce qu'il a connu la souffrance, le juste, mon serviteur, justifiera les multitudes, il se chargera de leurs péchés.

C'est pourquoi je lui donnerai la multitude en partage, les puissants seront la part qu'il recevra, car il s'est dépouillé lui-même jusqu'à la mort, il a été compté avec les pécheurs, alors qu'il portait le péché des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs. 

La victoire de Jésus, c'est que l'amour, la liberté et la vérité qui, en lui, ont orienté toute sa vie, n'ont pas été entamés ni amoindris par les forces du mal et les souffrances. Au contraire, l'Amour est sorti vainqueur absolu de cette grande épreuve. Car l'un des dangers qui menacent dans la traversée des malheurs qui surviennent, c'est de sombrer dans la désespérance, de douter que Dieu soit Amour. Les dégâts du mal, ce ne sont pas seulement les souffrances, mais aussi la perte de l'Espérance et de la confiance en la vie.

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