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Les billets du Père Lucien Marguet
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25 novembre 2023

Le Christ, Roi de l'univers (Année A)

Le Christ, Roi de l'univers

(Année A)

 

N’est-il pas audacieux, voire prétentieux, de la part de l’Eglise, de qualifier Jésus mort en croix de « Roi de l’Univers » ?

Mais de quel règne s’agit-il ? A quelle puissance recourt-il ? Quelle influence recherche-t-il ?

 

Ezéchiel 34 11-17 - 1ère Corinthiens 15 20-28 - Matthieu 25 31-46 

 

Il n'est pas rare aujourd'hui d'entendre des enfants qui entrent pour la première fois dans une église poser des questions sur l'homme cloué en croix. Qui est-il ? Qu'avait-il fait de mal pour être ainsi condamné à mort ? Pourquoi s'est-il laissé faire ? Pourquoi Dieu ne l'a-t-il pas défendu ? On dit qu'il est Dieu tout-Puissant... Pourquoi n'a-t-il pas utilisé sa force pour se libérer ? Lors de son procès, Jésus a même déclaré : "Je suis le roi des Juifs". Or il n'a pas d'armée, pas de gouvernement, pas de sujets, pas de cour royale… 

Alors de quelle façon Jésus peut-il régner ? Sans contraindre, sans se faire craindre. Jésus ne menace pas. Il n'impose pas. Il ne domine pas. Il fait appel à la liberté de conscience. Ceux qui suivent Jésus ne sont pas des esclaves, mais des gens appelés à être plus libres encore. Ils ne sont pas des ignorants. Jésus les encourage à connaître, apprendre et comprendre. A choisir et agir par eux-mêmes. Jésus n'est pas un marionnettiste tirant les ficelles de nos vies. Jésus nous aime capables de nous diriger nous-mêmes. Il nous aime curieux, intéressés, et même passionnés de tout. 

Jésus n'est pas un roi sévère et triste. Il nous communique sa joie. A la méchanceté, Jésus répond par la bonté, à la violence il résiste par la maîtrise de soi, à l'intolérance il oppose la bienveillance, à la force des armes il répond par la force de son esprit. Jésus est fort, oui, mais d'esprit. Jésus est puissant, oui, mais d'amour, jusque dans la mort sur la croix.  Ainsi Jésus nous révèle-t-il un visage de Dieu jusqu’alors inconnu. Car dans toutes les civilisations et toutes les religions la puissance de Dieu reposait sur sa capacité à s’imposer, fût-ce par le recours à la crainte et la brutalité ! 

Dieu n’est pas fabriqué à la mesure et la convenance des désirs et des manques : un Dieu prothèse de l’homme limité, un Dieu béquille provisoire pour traverser les ravins et franchir les obstacles, un Dieu menaçant et gendarme du monde, sachant manier l’interdit et le permis, la carotte et le bâton ; Dieu garant des puissants et des possédants, un Dieu ne tirant sa Puissance que de la faiblesse et même l’humiliation de ses créatures à jamais soumises. Un Dieu omniprésent, surveillant à qui rien n’échappe, un Dieu intervenant à tout instant. Dieu qui sait tout, dont la science serait entamée par les progrès de la connaissance humaine. 

Le Dieu des chrétiens, au contraire, révélé par Jésus-Christ, est Tout-Puissant, certes, mais de respect, de délicatesse, de patience, d’attention à la liberté et à la responsabilité de tout homme. Dieu puissant en amour et en Pardon, Dieu présent mais jamais squatteur par effraction de l’espace humain ; Dieu se proposant d’habiter nos vies comme avec le oui de Marie. Dieu s’invitant chez Matthieu ; Dieu exprimant sa soif au puits de Jacob et sa faim à Zachée le publicain. Dieu pleurant face à la mort d’un ami, Dieu souffrant de l’incompréhension, de la détresse et de la blessure des hommes. Dieu à genoux lavant les pieds de ses disciples, y compris de celui qui s’apprêtait à le trahir. Dieu désireux de se faire connaître et d’appeler à la vie. 

A la suite de Jésus, l'Eglise n'a pas mission de créer une société et des régimes politiques alternatifs à ceux qui existent. Elle n'a pas vocation au pouvoir politique. Elle n'a pas de programme ni de solutions toutes faites aux grands problèmes du monde. Elle ne peut proposer que le poids de son expérience et le bénéfice de sa réflexion. Elle n'a pour moyens que la puissance de sa liberté et de son influence désintéressée. Cette distinction des pouvoirs et politique et spirituel lui vient d'une phrase de Jésus : "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Jésus voulait ainsi expliquer sa propre attitude habituelle et la nature de sa mission d'ordre strictement spirituel. 

Aujourd'hui l'Eglise vit de ce pouvoir confié à Pierre et ses successeurs. Le pouvoir de proposer, d'expliquer, d'informer, de dire la Parole. Dans le cadre de la liberté religieuse et des consciences. Il faut certes avouer que dans l'histoire l'Eglise s'est parfois confondue aux pouvoirs politiques et armés. La force violente a parfois été utilisée pour obliger à devenir chrétien. Aujourd'hui, nous sommes dans une culture où chacun se prononce et s'engage selon ce qu'il a compris et ce qu'il décide lui-même. Il y a peut-être moins de chrétiens en quantité, mais sans doute plus d'adhérents convaincus et engagés. 

Chaque année, nous célébrons le Christ Roi de l'Univers. Dimanche prochain, la nouvelle année liturgique va commencer par ce temps de l'Avent qui nous prépare à Noël. Or Noël, c'est un bébé dans les bras de sa mère. Petit et démuni, dépendant, un enfant. L'Eglise ne désire-t-elle pas inscrire en nos esprits cette idée que ce bébé-là est l'image de la Toute-Puissance de Dieu ?...

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