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Les billets du Père Lucien Marguet
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9 mai 2024

Individu et personne

Individu et personne

 

Il m’est parfois arrivé d’être mal compris au cours des multiples réunions auxquelles j’ai participé dans ma vie pastorale. Je pense à celle qui avait pour thème « la fin de vie volontaire ». L’insistance avait été mise sur la décision personnelle « d’en finir » qui devait sans condition être respectée. J’avais alors émis l’idée que ce droit ne supprimait pas la légitimité pour les proches d’exprimer leur point de vue qui pouvait aller contre le souhait de la personne réclamant sa fin. J’avais même ajouté : « Tout être humain s’appartient en priorité certes, mais il appartient aussi à celles et ceux qui l’aiment. » Ce qui avait fait réagir plusieurs participants contre cette idée que des liens privilégiés donnent des responsabilités et même des devoirs d’assistance à l’égard des autres.

 

J’ai bien compris alors que ce slogan « Mon corps m’appartient » avait fait son chemin dans les mentalités. Mais je persiste à penser que l’on ne vit jamais que par soi et pour soi mais aussi en lien à d’autres, et que si nous ne sommes pas leur propriété, ils ont toutefois leur mot à dire sur notre propre vie. Cette coresponsabilité de la vie, j’en ai été témoin durant mes 7 ans passés dans la savane du Nord-Cameroun. Voir un jeune mettre sa vie en danger par une conduite dangereuse faisait un devoir d’intervenir auprès de lui, même si l’on ne connaissait pas sa famille. L’ethnie, le clan, n’avaient pas l’exclusivité de la responsabilité de veiller sur ce jeune, mais tout humain devait se considérer coresponsable de cette vie menacée.

 

Il est vrai que dans nos sociétés occidentales les droits de chaque individu peuvent réduire et même « occulter » les devoirs d’autres vis-à-vis de soi. Si nous percevons qu’un jeune, un enfant de notre entourage tourne mal jusqu’à menacer sa vie personnelle, sociale et son avenir, considérons-nous que cela nous regarde ou détournons-nous la tête parce qu’il nous est interdit de nous mêler de la vie des autres sans y être expressément invités par eux ? En réalité, tant de personnes contribuent de fait à notre vie personnelle ! Depuis la gynécologue de la maternité, les actrices du jardin d’enfants, les enseignants des écoles, du collège et du lycée jusqu’aux animateurs de sport et de loisirs, combien nombreux sont les intervenants qui apportent leurs compétences au service de la vie de leur prochain ! Ce qui revient à être impressionné par le nombre de gens occupés à servir et faire réussir la vie des autres !

 

Je compare volontiers la vie à ces pièces d’un jeu de construction que l’on reçoit et assume d’assembler en se référant à son mode d’utilisation. N’a-t-on pas raison de trouver plus pédagogues des parents qui offrent à leurs enfants des jouets à fabriquer soi-même en montant des éléments prévus pour leur bon fonctionnement plutôt que des parents leur donnant des jouets prêts à l’emploi clés en main ? Donner la vie et offrir les éléments importants pour la construire et l’enrichir, mais jamais sans la contribution possible de ses bénéficiaires, n’est-ce pas un choix préférentiel qui favorise la transmission sans succomber à la tentation de se substituer ? Nous ne sommes pas seulement comptables de notre vie individuelle, mais aussi co-gestionnaires de la vie sur terre !

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