Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les billets du Père Lucien Marguet
Archives
Newsletter
7 mai 2024

La guerre et ses blessures…

La guerre et ses blessures…

 

La « guerre de pacification », comme la France la nommait, faisait rage et a accompagné mes années de grand séminaire. Elle ne faisait pas que des morts et des mutilés physiques et psychiques, comme le montre l’exemple de l’un de mes frères chez qui les séquelles se font toujours ressentir aujourd'hui. Elle nous divisait : un petit groupe militait pour que l'Algérie demeure un territoire français, tandis que la plupart des séminaristes devenaient de plus en plus convaincus que ce pays d'Afrique du Nord accéderait à son indépendance. Je retrouvais régulièrement sous la porte de ma chambre des coupures de journaux, en particulier "Aspect de la France", réclamant la victoire de nos combattants dans le djebel algérien.

 

L’heure des indépendances avait aussi sonné pour tous ces pays d’Afrique sub-saharienne que les pays occidentaux dont la France maintenaient sous leur autorité coloniale. Heureusement que des dirigeants français réfléchis et conscients de l'évolution du cours de l'histoire ont su accepter, organiser et parfois anticiper l'émancipation de ces peuples. Il est vrai que proclamer cette séparation ne suffit pas pour créer les moyens durables, économiques, financiers, politiques dont une nation a nécessairement besoin pour assurer son identité et son progrès et siéger au milieu des nations du monde ! Comme tout lecteur de journaux et auditeur de radio, j'ai vécu par médias interposés les conflits en Irak, en Yougoslavie et autres bouillonnements ici et là-bas dans le monde.

 

Mais le génocide perpétré en 1991 au Rwanda où ont été assassinées brutalement un million de personnes en 100 jours, est la tuerie qui m'a de loin le plus marqué et fait souffrir moralement et spirituellement. J'étais alors vicaire général. Je me souviens, à la table de l'évêque Jean Balland, d'une conversation avec le père Decourtray, très proche du peuple juif, nous expliquant la particularité de la Shoah visant à éradiquer entièrement les juifs afin que l'histoire elle-même ne les mentionne plus jamais comme un peuple identifié. Selon le cardinal, cela était comparable à Caïn tuant de sang-froid son frère Abel. Il nous donnait ainsi des éléments pour mesurer la gravité et l’inhumanité de ce qui était en train de se dérouler dans le Pays des Mille Collines. Le fait que les tueurs soient voisins de village et pratiquants chrétiens dans la même église que leurs victimes me blessait profondément, car force était de constater que la foi et l'Évangile n'avait pas d'influence sur leur empressement à massacrer indistinctement hommes, femmes, enfants, personnes âgées !

 

Très proche du couple Gauthier, Alain et Dafrosa, j'ai manifesté avec eux et nombre de Rémois pour l'arrêt immédiat de ce massacre horrible. Plus d'une centaine de membres de la famille de Dafrosa sont morts victimes de ce génocide. Aujourd'hui je comprends l'engagement de ce couple pour que la justice condamne officiellement les tortionnaires démasqués de ce génocide. Je comprends aussi la volonté de pardon et de réconciliation que les autorités du Rwanda proposent aux ennemis d'hier, génocidaires comme victimes. Car, sans oublier cet effroyable passé, ne faut-il pas à ce peuple blessé ouvrir un avenir lumineux et heureux ? J'admire le courage et la confiance renaissante de ces familles qui consentent à nouveau à se fréquenter.

 

La tentative d’invasion en cours de l'Ukraine par la Russie sous prétexte de motif de prévention auxquels sont associées des raisons religieuses fait depuis deux ans des milliers de morts aussi injustes que cruelles. Et je ne parlerai pas de tous ces lieux où sévissent avec rage des combats mortels qui non seulement brisent des vies et des familles entières, mais aussi sabordent le futur du pays et de leur population…

 

Je n'ai pas subi directement la bêtise et les brutalités d'une guerre, mais il n'est pas de séquence dans mon existence qui ne m'ait contaminé de profonde tristesse au spectacle affligeant des violences qui défigurent l’humanité !

Publicité
Publicité
Commentaires
Les billets du Père Lucien Marguet
Publicité
Les billets du Père Lucien Marguet
Publicité