Apprendre à vivre dans le manque
Les jeunes générations
d’adultes actuelles ont été éduquées dans le cadre de la civilisation de
consommation. Leurs parents ont mis un point d’honneur à fournir à leurs
enfants tout ce dont eux avaient pu manquer. Ils allaient même au-delà de leurs
besoins surtout matériels. Ils choisissaient parfois de se priver pour que rien
ne leur manque. Sous la double influence de la publicité et du mimétisme, l’ère
de l’abondance et du superflu se chargeait de culpabiliser les parents de ne
jamais faire assez pour leurs enfants et de frustrer ceux-ci s’ils ne
recevaient pas ce dont les autres étaient gratifiés.
Et souvent, à la culture
du tout prêt à consommer s’est ajoutée la morale du tout permis dans la vie,
sauf l’interdit. Pourvu que personne ne soit lésé et que tel comportement fasse
du bien, tout devenait nécessairement bon. Cette forme de bonheur dans un
« ressenti » immédiat était devenue le critère du bien vivre, dans le
plaisir et le loisir. Tout chemin susceptible de rencontrer obstacles et
difficultés devait être évité. La facilité et la réussite à tout prix étaient
préférées. Pour ne pas traumatiser les enfants et les jeunes, les adultes se
sont soumis à leurs désirs. Ils n’étaient plus pour eux des guides, mais des sherpas.
Faut-il alors s’étonner
qu’après avoir été ainsi « assistés », ces jeunes aient un rapport à
l’âge adulte pas toujours réussi ? Leur amour conjugal et familial est
fragile et épidermique. Leur capacité à éduquer et transmettre s’épuise vite
par manque cruel de profondeur et d’expérience humaine personnelle. Les jeunes
générations, désormais seules aux commandes de leur vie, ne connaissent guère
le code de la route. Il ne leur a pas été donné assez les moyens d’accéder à
une maturité et une solidité.