Encore quelques réflexions à la suite du 11 janvier 2015…

Les événements dramatiques qui ont blessé les Français au cœur les ont à la fois plongés dans l'angoisse et en même temps conduits à réfléchir sur l'idéal républicain -: liberté, égalité, fraternité -, ainsi que sur les valeurs humanistes dont se nourrit la démocratie : la dignité intrinsèque de tout être humain en premier.

"Les terroristes ont voulu mettre la France à genoux, ils l'ont mise debout", dans ces grands rassemblements spontanés ou organisés auxquels tant de gens différents ont participé avec gravité et sérénité, toutes convictions et appartenances côte à côte. La France s'est sentie visée dans ses idéaux et ses repères les plus ancrés en elle au cours de sa longue histoire. Citoyen et chrétien à la fois attaché à mon pays et à la foi en Jésus-Christ, je voudrais en quelques lignes souligner combien, avec mon plein accord, ma façon de concevoir les valeurs républicaines est influencée par mes convictions croyantes.

Commençons par la liberté. La liberté de sortir et d'aller, de penser et de prier, de m'exprimer et de m'opposer, d'entreprendre… Toutefois, ma liberté est soumise au respect de l'autre, du différent, en particulier de ses convictions et de ses liens les plus intimes et les plus précieux à ses yeux. La liberté que je désire ne s'acquiert pas par la domination, l'intimidation, la caricature de l'autre, mais le plus possible par le contact, le dialogue, la négociation et l'adhésion, le refus des préjugés et la mise en lumière de la vérité, avec sincérité et a priori bienveillance. Le mensonge, la démagogie, l'hypocrisie, sont des éléments destructeurs de liberté et de vérité.

 J'adhère volontiers à la laïcité qui, en distinguant le spirituel et le temporel, Dieu et l'empereur, permet aux créatures de se montrer libres et auto-entrepreneurs, et au Créateur lui-même d'être libre de ses propres initiatives. Je suis bien à l'aise avec la loi de séparation instituée en 1905 qui sépare l'Eglise, les religions, et l'Etat, car il y a une saine et juste autonomie de la gérance des choses séculières par les hommes et les femmes de toute époque de l'histoire. Non seulement Dieu ne le regrette pas, mais il le veut ainsi, car il ne peut à la fois souhaiter confier à l'humanité de prendre ses responsabilités et en même temps la surveiller jusqu'à intervenir à chaque instant, à l'image du marionnettiste qui articule ses personnages.

 L'égalité qui parait au milieu de la liberté et de la fraternité, je la vois comme l'affirmation d'une semblable dignité et donc comme un appel à respecter tout être humain quelles que soient son origine sociale, sa position sociale, ses références culturelles, ses convictions philosophiques et religieuses. Cette égalité-là donne les mêmes droits et les mêmes devoirs à tous vis-à-vis de chacun et à chacun vis-à-vis de tous. L'égalité qui rêverait d'un monde où règnerait la similitude, le même, le clone, serait illusoire et mortifère. L'altérité et la différence, la pluralité, sont facteurs de vie et de progrès.

 Quant à la fraternité, elle est basée sur le fait qu'il existe une seule nature humaine universelle dans le temps et dans l'espace d'un bout à l'autre de la terre. Les regroupements humains, raciaux, ethniques, géographiques, culturels, politiques, sont des étapes vers l'international et le mondial. Et je reçois en Jésus la révélation que tout humain a vocation à se découvrir enfant de Dieu et par conséquent frère et sœur de tout prochain. Ainsi comme citoyen d'un pays, je suis convié à me comporter en citoyen du monde et à vivre en fraternité parce que membre de la famille humaine.

 Aussi j'avoue avoir ressenti ces attentats du 11 janvier comme une profonde trahison de membres de notre famille humaine dont font partie les terroristes eux-mêmes, et l'assassinat odieux de frères et sœurs comme une blessure qui m'atteignait au plus intime de mon être.