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Les billets du Père Lucien Marguet
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5 août 2017

Disons-le franchement…

Dans les milieux des pouvoirs économique et surtout politique, jamais des exigences de conduite morale sans bavure n'ont autant été mises en avant. On fouille le passé pour détecter tout écart légal et moral sans même prendre le soin de contextualiser les faits reprochés. Tout le monde s'en mêle, et les écrans de toute sorte en font un récit à suivre chaque jour. En résumé la société actuelle, pourtant décrite comme libérale en ses mœurs et permissive, où l'individu est roi, se donne en ce moment une mission de surveillance, d'intransigeance et de censure, avant même d'attendre que les services compétents de l'Etat ne se chargent de prouver la culpabilité… Les rumeurs malveillantes précèdent la mise en lumière de la vérité. La présomption d'innocence en fait les frais. Cette tendance à accuser et condamner avant que la justice n'ait accompli sa tâche se retrouve aussi dans les agressions de pédophilie dont certains membres du clergé, des enseignants, éducateurs d'enfants et adolescents sont ici ou là soupçonnés.

Un cardinal en poste à la Curie vaticane convoqué par la justice de son pays, l'Australie. Un évêque à qui est reproché un comportement inapproprié avec des adolescents, obligé de présenter sa démission avant même le déroulement d'une enquête pour avérer ou démentir les attitudes qui lui seraient imputées. Des évêques soupçonnés d'avoir couvert des religieux dont la conduite morale déviante a été condamnée par la justice, en se contentant de les éloigner ou de les transférer en un autre endroit. Des prêtres que la rumeur publique et le soupçon amplifié par les médias marqueront à jamais quoi qu'il en soit des résultats des enquêtes de police et des jugements prononcés.

Dans ce billet, il n'est nullement dans mon intention de minimiser ou disculper, quelle que soit leur identité, les personnes convaincues de délits graves, contre des enfants par exemple. Je veux toutefois souligner les dangers encourus par une société qui ne se chargerait que de condamner à vie. Comment ne pas s'interroger face à une société qui pousse chaque citoyen à se faire détective et se donne le droit d'inquisition, voire de perquisition dans la vie d'autrui ? Comment redonner à la justice ses pleins pouvoirs de faire appliquer les lois, de juger, de condamner et de sanctionner ou de relaxer, en un mot de faire émerger l'objectivité des faits ? Or tous les membres de l'Eglise sont aussi des citoyens à part entière d'un pays dont ils partagent les droits et les devoirs, soumis aux lois civiques et morales identiques pour tous. Du coup ils doivent aussi bénéficier de la même présomption d'innocence que tout autre citoyen et de la garantie de la justice de leur pays. Pas plus et pas moins !

Certes cette culture du "nettoyage" et de la pureté sans la moindre faute ni tache peut paraître "idéale" pour un pays que les tentations de déviance et de corruption peuvent toujours menacer ! Elle pose toutefois, selon moi, plusieurs questions. Tout "vivre ensemble" ne doit-il pas offrir des moyens de changer ? Et fournir des signes d'absolution ? A ses membres punis et repentis ? Une société ne doit-elle pas savoir gérer d'une façon adaptée et pédagogique les infractions graves aux normes qu'elle se donne ? Ou n'envisage-t-elle que de faire porter à vie le poids de leur faute aux "reconnus" coupables ?

Cette fixation de la société actuelle aurait-elle besoin de s'afficher intransigeante et impeccable par crainte, non forcément consciente, d'avoir des travers et des défauts qu'elle voudrait cacher ? Je pense aux écarts sociaux et intellectuels considérables avec les très pauvres dont le nombre augmente, aux exploitations et dominations de toute sorte… Mais de cette société à dénoncer et changer, n'est-on pas, objectivement, moins enclins aujourd'hui à parler ?

 

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