L’humanisme chrétien

Très souvent, pour qualifier des choix et justifier des positions, des personnes ou des groupes humains constitués disent se référer à des valeurs qui de ce fait leur servent de loi-cadre pour leur vie. La communauté des chrétiens en particulier, tout en invitant chacun de ses membres à participer loyalement et légalement à la vie civique, a aussi pour référence les valeurs spécifiques de l'Évangile. Ce "catalogue de principes évangéliques" appelle tout chrétien à se conduire en s’inspirant de l'Esprit qui animait Jésus-Christ. En prenant l'habitude de se référer à la vie de Jésus, la conscience du chrétien finit par être imprimée par elle. "Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi". Cette adoption n'est ni une soumission ni un renoncement à la liberté personnelle, qui demeure entière. Elle est un bornage assumé par celles et ceux qui ont confiance en Jésus et son Évangile de vie. 

Or la pratique habituelle et volontaire de l'esprit évangélique génère un humanisme chrétien et même une civilisation, c'est-à-dire une façon d'exercer notre condition humaine. Je voudrais la caractériser en quelques mots. Pour les chrétiens, tout être humain, quelles que soient son origine sociale et culturelle, ses capacités cognitives, ses qualités, ses idées, doit être respecté dans son identité. Il doit être considéré comme un frère ou une sœur, semblable et d'égale valeur à soi-même. L'humanisme chrétien invite toujours à rejoindre l'être au-delà du paraître pour développer à l'égard du voisin ou même du lointain une connaissance clairvoyante, éloignée d'un jugement superficiel et hâtif. 

Pour le disciple du Christ, ni la connaissance rationnelle, ni la force physique, ni la possession et la puissance ne sont des critères de vérité. Le plus faible et même le perdant sans voix ou privé de droit peuvent avoir raison sur le fort qui est gagnant. Lucide et conscient du mal qu’accomplit le méchant, le chrétien soutient les œuvres de justice et de réparation, tout en conservant ouverte la porte de la rédemption à qui se reconnait coupable et amendable. Jamais un mal commis et reconnu n’est une raison valable d’empêcher une personne ou un groupe humain d'envisager un avenir changé et amélioré ! 

Cet humanisme chrétien dont les valeurs repères bornent le déroulement d'une existence inclut celles qui s'affichent au fronton des édifices publics "Liberté, Egalité, Fraternité". Ce triptyque de mots différents est à comprendre ensemble car il vise le même but. L'humanisme chrétien comprend aussi la qualité des rapports de tout être humain à la Nature, aux environnements dans lesquels il évolue avec le même respect qu'il a de ses semblables. L'Homme doit avoir une saine relation dans son rapport à la nature, tous les êtres vivants qui la peuplent et les éléments qui conditionnent l'évolution de sa vie : la terre, l'air, l'eau. Le pape François a même qualifié ces interconnexions entre les humains et la Nature de "Maison commune". Par cette posture, l’être humain refuse d'être pilleur et gaspilleur, mais il est au contraire semeur et acteur avisé et clairvoyant. En adoptant ce rapport "normal" avec la nature, il honore sa vocation à se montrer frère de tous. Enfin n’oublions pas la prière, qui est l'arme du croyant en Dieu qui peut adresser au Créateur et Père les peines, les joies, les souhaits et bien sûr les mercis qui s’invitent dans le quotidien de la vie.