Faut-il « repousser » l’âge de la retraite ?…

Les débats passionnés autour du projet de repousser l’âge de la retraite à 65 ans pourraient laisser penser que la part de temps et d’énergie que le travail prend dans une vie la dévalorise. A force de réclamer la retraite le plus tôt possible, on peut donner l’impression que l’activité professionnelle n’est jamais un lieu épanouissant pour soi, utile et fécond pour la société tout entière. 

Je sais bien que toutes les professions ne détiennent pas le même crédit de reconnaissance. Tandis que les uns sont gratifiés pour leur activité et leur renommée, d’autres sont ignorés et demeurent, durant toute leur existence, dans un positionnement humble et modeste. Certains useront leurs forces et menaceront leur santé dans des travaux physiques plus qu’exigeants malgré les efforts de mécanisation numérisée, robotisée, qui visent à préserver les travailleurs des gestes pénibles ou répétitifs. A l’image des paysans qui étaient auparavant derrière la charrue tractée par des animaux et qui sont juchés aujourd’hui sur de puissants et confortables tracteurs climatisés et connectés, il nous faut aussi reconnaitre que tous les lieux industriels et artisanaux ont considérablement évolué en leurs moyens de production toujours plus ajustés aux besoins. 

Aussi, mon propos est de nous inviter à élargir nos réflexions afin d’y inclure ces transformations constatables dans toutes les professions. Bien sûr cela exige de permettre à tous les « travailleurs » de bénéficier d’une formation continue qui leur donnera les moyens de s’adapter aux nouveaux outils qui leur seront fournis. Souhaitons d’ailleurs que cette permanente introduction de techniques évoluées suscite dans nos sociétés une reconnaissance plus explicite et que les jeunes générations se sentent davantage attirées par ces métiers autrefois écartés pour leur image sombre et trop souvent dans l’ombre. 

Bien sûr qu’il faut, à ceux et celles qui ont accompli leur quota d’années de travail, offrir de faire valoir leur droits à une retraite, de toute façon bien méritée. Toutefois il me faut aussi évoquer dans ce billet la revendication que font certains professionnels de prolonger leur activité bien au-delà de l’âge de départ légal en retraite. Souvent ces gens avouent que leur profession ne les a pas épuisés, mais qu’elle a plutôt enrichi leur personnalité. Ils se voient bien poursuivre ce qu’ils faisaient et passer plus de temps à transmettre aux suivants leur savoir faire et leur sagesse. D’ailleurs, cette manière d’envisager la succession par un "tuilage" peut éviter les dégâts parfois observés dans les cas d’interruption et de départ brutal. Aussi lorsque des entreprises en ont les capacités, l’introduction de jeunes apprentis doit précéder la retraite des anciens. J’ai souvent entendu des jeunes professionnels me dire leur satisfaction d’avoir ainsi pu bénéficier et apprendre beaucoup de la part de celles et ceux qu’ils étaient destinés à remplacer là où ils venaient d’être embauchés. 

Ce billet ne fait que survoler quelques aspects de la question : faut-il repousser l’âge légal de la retraite ? S’il n’y a pas assez d’actifs pour payer les retraites, ne faudrait-il pas envisager de taxer les entreprises chaque fois qu’elles mettent en place des "outils" à la place des hommes dont elles n’ont plus besoin ? Le système en cours dans notre pays repose sur une conscience collective d’avoir à assurer le bien commun. Il réclame donc de la part de chaque citoyen de développer en soi le désir d’équité, de justice et de solidarité, et je compléterai même par ce mot républicain et chrétien : de fraternité !